Wimbledon : Souveraine sur terre battue et à Roland-Garrios, pourquoi Iga Swiatek n'y arrive pas (encore) sur gazon

C'est dans le sillage de son quatrième sacre à Roland-Garros en 2008 que Rafael Nadal avait conquis le Graal à Wimbledon. Il avait alors 22 ans, soit à peu près le même âge qu'Iga Swiatek (23) à l'orée de cette édition 2024 du Majeur britannique. Et il y a fort à parier que la Polonaise rêverait de prolonger le parallèle en imitant celui qui est encore son idole. Mais il y a une grande différence entre les deux : le premier avait d'ores et déjà apprivoisé le gazon – double finaliste sortant en 2006 et 2007 avant d'être sacré – tandis que l'autre est encore en phase d'apprentissage.

Et Swiatek est la première à le concéder. Lors de sa conférence de presse d'après-finale de Roland-Garros, elle s'était projetée ainsi sur Wimbledon. "J'ai eu l'idée par le passé de consacrer plus de temps à ma préparation pour Wimbledon. Je me suis presque dit que je devais faire l'intersaison sur gazon pour apprendre à jouer sur cette surface, avait-elle souri. C'est un immense défi, c'est sûr. Si je perdais plus tôt ici (à Paris, NDLR), je serais peut-être capable de jouer deux semaines de plus sur gazon et y être meilleure. Mais si je devais choisir, j'adore jouer sur terre battue, donc il n'est pas question que j'abandonne ça."

Mais que se passe-t-il donc sur herbe qui la perturbe autant ? Swiatek a déjà gagné à de multiples reprises sur des surfaces dures plus rapides que la terre battue. Pour ne citer que ses deux titres les plus marquants, elle est allée chercher le titre à l'US Open en 2022 et s'est adjugée le Masters fin 2023 en ne laissant pas le moindre set en route, infligeant même trois 6-0 en cinq matches contre ses rivales du Top 10.

"Elle a une balle qui rebondit haut et gêne sur terre, mais sur gazon, cette balle arrive à bonne hauteur pour les joueuses puissantes, explique Camille Pin, consultante sur Eurosport. Ses adversaires, qui frappent plus à plat, vont lui donner une balle plus basse. C'est juste technique, tout simplement. Swiatek fait donc un peu moins mal. Mais il faut quand même la sortir."

En 2022, alors qu'elle était sur une série de 37 victoires, Alizé Cornet avait ainsi créé la sensation en l'éliminant dès le 3e tour au All England Club. L'an dernier, c'est Elina Svitolina qui l'avait sortie (7-5, 6-7, 6-2), cette fois en quart de finale. La progression est notable et le tournoi de préparation que la numéro 1 mondiale avait joué à Bad Homburg lui avait servi à prendre davantage de repères. Mais épuisée par son triplé Madrid – Rome – Roland-Garros cette année, elle arrivera à Wimbledon sans match de préparation

"J'ai l'impression que chaque année, c'est plus facile pour moi de m'adapter au gazon. Je dois continuer à travailler comme je l'ai fait, surtout avec mon coach qui entrainait avant Aga Radwanska et ils avaient de supers résultats sur gazon (Radwanska a été finaliste à Wimbledon, NDLR) et il a une bonne approche de cette surface, a encore confié Swiatek après son triomphe à Roland. Je pense que le plus grand progrès que je puisse faire sur gazon, c'est utiliser mieux mon service. Mais je n'ai pas de grandes attentes, parce que les balles sont différentes et le jeu dans son ensemble est différent sur gazon. Donc je verrai et je travaillerai dur pour y jouer mieux."

L'amplitude de sa préparation en coup droit et sa prise ultra-fermée pour imprimer un maximum de lift à la balle ont un autre désavantage sur gazon : la rendre plus vulnérable quand la balle arrive vite sur elle ou quand elle est contrainte de défendre. Privée du temps dont elle dispose sur terre, dans l'urgence, elle maîtrise moins les événements. Et comme elle l'a pointé du doigt elle-même, elle ne dispose pas d'une première balle aussi percutante que ses rivales Aryna Sabalenka et Elena Rybakina pour obtenir des points gratuits. Alors y a-t-il un moyen pour elle de combler ce déficit technique ?

"Elle ne peut pas changer totalement sa technique, mais elle peut ajuster ses trajectoires, observe Camille Pin. Sur terre, sur certaines défenses croisées, elle joue bombé, là elle pourra jouer plus rasant. Elle n'a pas le jeu à plat d'une Ostapenko, mais elle a des choses à améliorer : elle n'utilise par exemple jamais le revers slicé, elle peut aussi enchaîner un peu plus les retours-volées. Elle peut s'inspirer de Rafa qui monte beaucoup plus au filet sur gazon, parce qu'il sait qu'en fond de court, il va faire moins mal. Il a une très bonne volée et je pense que Swiatek n'en a pas une mauvaise."

Et notre consultante de compléter : "Il faut tout de même monter dans de bonnes conditions, donc elle doit trouver un coup d'approche qui fasse mal sur gazon. Après quelques années sur la surface, on le sent : que ce soit le revers long de ligne, le coup droit décroisé, un peu comme le fait Rafa, oui. Il faudrait qu'elle transforme un peu son service kické en une combinaison de lift et de slice plus rentrant d'un côté, plus sortant de l'autre. Elle sait le faire évidemment mais elle devra plus le faire. Il faut qu'elle varie, et comme elle a de la puissance, elle peut servir à plat en première. Mais quand elle ne passe pas, elle pourra opter pour une seconde slicée." 

En la jouant comme l'Espagnol, double vainqueur du tournoi en 2008 et 2010, sur le plan tactique, Swiatek, qui est déjà beaucoup plus agressive qu'à ses débuts, se donnera les meilleures chances possibles de triompher à Wimbledon. Mais contrairement à sa domination à Roland-Garros, elle devra garder à l'esprit que certaines choses lui échapperont, que tout ne dépendra pas d'elle. 

A Berlin, Sabalenka, Rybakina et Ons Jabeur, trois joueuses qui lui sont supérieures jusqu'ici sur gazon, ont abandonné. Leur méforme potentielle, alors qu'elle a pu recharger les batteries de son côté, pourrait constituer une belle opportunité de transformer l'essai. Swiatek n'a en tout cas pas l'air de faire de blocage mental sur la surface. Avec cet état d'esprit et l'expérience emmagasinée, il n'y a aucune raison de penser qu'elle ne puisse pas y arriver un jour. Et pourquoi pas dès cette année.