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INTERVIEW - WIMBLEDON – Sébastien Grosjean : "Sur gazon, le but reste toujours de garder la balle le plus bas possible"

Rémi Bourrières

Mis à jour 09/07/2022 à 13:03 GMT+2

WIMBLEDON - Chaque année, pendant la quinzaine, c'est un peu le même débat : le gazon est-il devenu trop lent ? L'ancien double demi-finaliste du tournoi (2003, 2004) Sébastien Grosjean, présent à Londres en tant que capitaine de coupe Davis, participant au tournoi des Légendes et consultant pour BeIN Sports, nous explique en quoi la surface garde malgré tout beaucoup de ses spécificités.

Sebastian Grosjean, capitaine de l'équipe de France de Coupe Davis, en 2021

Crédit: Imago

On répète chaque année à quel point le gazon a été ralenti. Malgré tout, on a vu cette année à Wimbledon des jeux très spécifiques s'illustrer, comme Ons Jabeur, Tatjana Maria ou Harmony Tan chez les filles, Nick Kyrgios ou Tim van Rijthoven chez les hommes... Finalement, que penser de tout ça ?
Sébastien GROSJEAN : Le gazon va moins vite qu'avant, oui. Les joueurs le disent, et je m'en rends compte par moi-même en jouant le tournoi des Légendes. Au-delà du ralentissement, il y a eu la volonté de rendre le gazon plus résistant, afin qu'il tienne mieux la quinzaine. Malgré tout, il y a des schémas qui restent efficaces : le slice, les trajectoires tendues, les revers très à plat...
Il faut aussi rappeler que sur herbe, la manière de se déplacer est différente. Il s'agit de contrôler davantage ses appuis et là-dessus, tout le monde n'en est pas capable de la même manière. On voit des joueurs qui, lorsqu'ils sont pris à contre-pied, ont tendance à glisser un peu, même pas beaucoup, mais ça suffit parfois pour être pris.
Aujourd'hui, quelles sont les clés du jeu sur herbe ?
S.G. : Le but du jeu reste de garder la balle le plus bas possible. Il faut éviter de faire rebondir trop la balle pour ne pas s'exposer à une accélération et donc se retrouver en position de défendre. Le slice et les trajectoires tendues sont le meilleur moyen de garder la balle basse et donc de neutraliser l'adversaire.
A côté de cela, l'objectif est d'être quand même assez offensif. Certes, on voit beaucoup plus d'échanges de fond de court qu'avant. Mais ça, c'est aussi la conséquence du fait que les joueurs sont beaucoup plus physiques et qu'il y a beaucoup moins de purs attaquants.
On entend parfois dire que le gazon, aujourd'hui, c'est limite de la terre battue. A vous entendre, ce n'est pas vraiment le cas…
S.G. : Non, ce n'est pas du tout de la terre battue ! Mais il y a des terriens qui jouent bien sur gazon parce qu'ils savent s'adapter. C'est ce que fait très bien Rafael Nadal par exemple. On voit que sur gazon, il joue très différemment qu'il ne le fait sur terre battue : ses frappes sont beaucoup moins bombées, il slice beaucoup plus son revers, il vient davantage au filet et dès qu'il le peut, il accélère son coup droit de manière plus directe.
L'herbe s'est ralentie, oui, mais il faut quand même produire un vrai jeu de gazon pour briller. D'ailleurs, à l'arrivée, on retrouve quand même de vrais spécialistes, surtout chez les garçons. Chez les filles, on a des joueuses qui essaient de s'adapter en proposant un tennis différent.
En 2003, le changement ne m'avait pas sauté aux yeux. Peut-être parce qu'il y avait encore beaucoup de serveurs-volleyeurs.
Malgré tout, on voit qu'il n'y a plus un profil "type". On a l'impression qu'un bon joueur de gazon, aujourd'hui, c'est avant tout un joueur qui aime ça. C'est une surface assez clivante…
S.G. : Le jeu sur herbe est un jeu différent que l'on ne pratique que quelques semaines dans l'année. Les conditions sont particulières. Il peut y avoir des faux-rebonds. Quand la balle atterrit sur la ligne, elle est ralentie. Le slice prend de la vitesse au rebond, la petite volée déposée dans le carré rebondit très peu… Il faut accepter tout ça, accepter aussi de prendre beaucoup de services gagnants, rester bien concentré et à l'affût de la moindre occasion, car il n'y en a pas beaucoup. Surtout, il faut savoir s'adapter, ce qui est le propre du tennis.
C'est très mental, d'autant qu'il y a peu d'échanges, c'est une surface sur laquelle on peut se dérégler facilement. D'ailleurs, certains aiment bien aller taper la balle sur dur pendant leur jour de repos pour retrouver des sensations et du rythme à la frappe. Richard (Gasquet), par exemple, a tapé deux fois en indoor. A mon époque, Agassi était coutumier du fait.
Vous-même qui étiez un joueur polyvalent, vous changiez beaucoup de choses au moment de passer au gazon ?
S.G. : Oui, bien sûr. Déjà, je baissais beaucoup la tension par rapport aux autres surfaces. Comme je disais, j'essayais de slicer beaucoup plus, y compris au service car les deuxièmes balles "kickées" sont beaucoup moins efficaces sur gazon. A côté de cela, je forçais un peu ma nature en venant davantage au filet. Et au niveau du déplacement, j'essayais de faire en sorte de bien contrôler mes appuis en restant toujours bas sur mes jambes.
D'ailleurs, ça brûle un peu au niveau des cuisses et des fessiers, car la balle est plus basse. C'est un effort complètement différent des autres surfaces, plus court mais plus intense sur les premiers appuis. Je faisais donc une préparation physique adaptée en amont, avec des répétitions plus courtes mais plus nombreuses sur les efforts intermittents. Alors que sur terre battue, on privilégie le travail d'endurance.
picture

Sebastien Grosjean à Wimbledon en 2003.

Crédit: Imago

Vous étiez absent à Wimbledon l'année où le gazon a été changé, en 2002. Quand vous êtes revenu l'année suivante, en 2003, avez-vous perçu une vraie différence par rapport à votre précédente participation ?
S.G. : Pas trop, non. Le changement ne m'avait pas tellement sauté aux yeux parce qu'à cette époque-là, il y avait quand même encore pas mal de serveurs-volleyeurs comme Tim Henman, ou Mark Philippoussis qui m'avait battu en demie. Il y avait aussi Wayne Arthurs, que j'avais également joué lors de cette année 2003 : c'était terrible, il n'y avait pas un échange !
Avec la présence de joueurs comme ça, j'avais quand même la sensation d'une surface qui allait vite. Peut-être que l'évolution s'est faite progressivement et non pas d'une manière radicale. Et sans doute aussi que cette impression a été renforcée par le fait que le jeu a évolué vers le fond de court.
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