Open d'Australie 2024 - La finale Jannik Sinner contre Daniil Medvedev : Nouvelle ère… et nouveau champion ?

Curieuse sensation que celle d'aborder une finale de Majeur sans nos petites habitudes. Normalement, à Melbourne, le dernier dimanche de janvier, il n'est question que d'un Roi dont on ne doute guère qu'il puisse passer réellement la main. Pas cette fois-ci. Il ne sera pas question non plus d'autres gloutons dont on ne se lasse jamais réellement, jamais complètement. Non, cette finale de l'Open d'Australie a le mérite de la nouveauté et de la fraîcheur.

La nouveauté parce que Jannik Sinner a eu le mérite de saisir sa chance. En déboulonnant le régent Djokovic, l'Italien a offert un souffle neuf à cette finale. Brillant de bout en bout dans le tournoi, irradiant de confiance et bluffant de maîtrise, il surfe sur une dynamique dont on ne voit pas encore les limites. Bien sûr, l'appréhension d'une grande première le guettera sans doute. Mais la façon dont il a trouvé les clés à chaque nouveau défi proposé récemment incite à la prudence quant à cette thèse. S'il fallait désigner un favori, ce serait lui. Parce qu'il a tué le Roi et qu'il a la gueule d'un successeur.

Ce rôle-là, Daniil Medvedev ne l'a jamais réellement endossé. Le Russe n'avait jamais été l'élu, la faute sans doute à ce style toujours aussi déroutant. Il est arrivé haut sans que personne ne l'y attende vraiment. Il y est resté, contrairement à d'autres membres de la Next Gen, malgré des trous d'air qui l'ont réellement changé. Son parcours est celui d'un miraculé mais surtout d'un déterminé. La force intérieure qui l'habite rend ce duel final encore plus salivant.

Daniil Medvedev et Jannik Sinner ont déjà croisé le fer à 9 reprises, avec un avantage clair au Russe dans le bilan comptable 6 victoires à 3. Mais ce constat chiffré cache une autre réalité : la tendance s'est drastiquement inversée récemment. Medvedev avait remporté les six premières confrontations, mais Sinner a trouvé la parade fin 2023 en gagnant les trois derniers matches en finale à Pékin (7-6, 7-6) et Vienne (7-6, 4-6, 6-3), puis en demi-finale du Masters de Turin (6-3, 6-7, 6-1).

Cette finale de l'Open d'Australie sera le premier duel entre les deux hommes en Grand Chelem, donc au meilleur des cinq sets.

En fin de quinzaine, le "capital énergie" est une donnée fondamentale, surtout s'il y a un écart important entre les deux finalistes. C'est le cas pour cette édition 2024 puisque Daniil Medvedev a passé quasiment six heures de plus sur le court (20h33) que Jannik Sinner (14h44), soit une heure par match de plus en moyenne.

Ajoutez à cela le fait que le Russe a fini son 2e tour contre Emil Ruusuvuori à près de 4h du matin et a eu moins de temps pour récupérer de sa demi-finale jouée en soirée, et vous comprendrez que l'Italien part avec un avantage assez certain en termes de ressources physiques. Medvedev a beau être un infatigable marathonien, il pourrait payer tous ces efforts surtout s'il est pris à la gorge d'entrée.

19 ans. Pour la première fois depuis 2005 (!), il n'y aura aucun membre du Big Three en finale à Melbourne.

9/10. Comme le bilan récent de Jannik Sinner face aux membres du Top 5. Seul… Novak Djokovic l'a battu sur ces dix derniers matches.

3/3. Comme le nombre de matches gagnés en cinq sets par Medvedev dans cette quinzaine australienne. Avant Melbourne, son bilan était autrement moins reluisant avec 9 défaites en 13 matches.

1er tour : bat Botic van de Zandschulp [P-B] 6-4, 7-5, 6-3
2e tour : bat Jesper de Jong [P-B/Q] 6-2, 6-2, 6-2
3e tour : bat Sebastian Baez [ARG/26] 6-0, 6-1, 6-3
1/8e de finale : bat Karen Khachanov [RUS/15] 6-4, 7-5, 6-3
1/4 de finale : bat Andrey Rublev [RUS/5] 6-4, 7-6(5), 6-3
1/2 finale : bat Novak Djokovic [SRB/1] 6-1, 6-2, 6-7(6), 6-3

1er tour : bat Terence Atmane [FRA/Q] 5-7, 6-2, 6-4, 1-0 ab.
2e tour : bat Emil Ruusuvuori [FIN] 3-6, 6-7(1), 6-4, 7-6(1), 6-0
3e tour : bat Félix Auger-Aliassime [CAN/27] 6-3, 6-4, 6-3
1/8e de finale : bat Nuno Borges [POR] 6-3, 7-6(4), 5-7, 6-1
1/4 de finale : bat Hubert Hurkacz [POL/9] 7-6(4), 2-6, 6-3, 5-7, 6-4
1/2 finale : bat Alexander Zverev [ALL/6] 5-7, 3-6, 7-6(4), 7-6(5), 6-3

Jannik Sinner : "Ça signifie beaucoup d'avoir battu Novak ici à Melbourne, mais je sais que le tournoi n'est pas fini. La fin de saison dernière m'a donné la confiance nécessaire pour faire de bons résultats en Grand Chelem. Mais en même temps, il faut le montrer. Il y a des gens qui parlent beaucoup, mais il faut le montrer sur le court. Si ce n'est pas cette année, ce sera l'année prochaine, et si ce n'est pas l'année prochaine, ce sera la suivante. Je me sens vraiment détendu pour être honnête."

Daniil Medvedev : "A mon avis, il n'y a pas eu beaucoup de changements tactiques lors de nos trois derniers duels. Il a fait un peu plus de service-volée, a peut-être été un peu plus agressif, mais il joue surtout mieux. C'était en fin de saison et je ne me sentais pas totalement à 100 %. Même si je jouais bien, j'étais peut-être à 96 ou 97 % et contre lui, il faut être à 100 %. En fin de saison, il a commencé à évoluer à un tout autre niveau. Donc si je veux le battre, je dois élever mon niveau et j'essaierai de le faire."

Boris Becker : "Je crois que Sinner est le favori, surtout si vous regardez le niveau de Medvedev jusqu'à présent. Il a joué plus de 20 heures en deux semaines tandis que Sinner a tout expédié en trois sets, ou presque".

Arnaud Clément : "Jannik Sinner va gagner. Je le pense depuis le début de la quinzaine et je ne vais pas changer, je suis super fier d'avoir eu ce nez-là ! Sur le niveau de jeu pratiqué, sur la fraîcheur, sur sa dernière prestation contre Novak Djokovic... Ça ne va pas être une mince affaire quand même, mais c'est assez clair pour moi. C'est vrai qu'il y a un autre facteur : son adversaire est plus expérimenté à ce stade de la compétition. Il va y avoir un bras de fer, ça va être extrêmement physique et Medvedev a quand même beaucoup, beaucoup donné depuis le début de la quinzaine. On va voir s'il va être capable de tenir."

Justine Hénin : "Il y a le facteur d'une première finale de Grand Chelem, il faut le rappeler. Mais on peut supposer que Sinner ne va pas être dans la même situation que Zheng samedi parce qu'ils n'en sont pas du tout au même stade de leur carrière. Je crois qu'il a un avantage sur tout ce qu'on a évoqué jusqu'ici, l'aspect physique, le fait qu'il ait pris l'ascendant lors de trois derniers affrontements : sur cette dimension psychologique, on le sent prêt, il est très bien entouré. Ce n'est pas quelqu'un qui bascule dans une forme d'euphorie, il y a une maîtrise, il a l'expérience de Cahill qui peut lui apporter beaucoup. Il peut rester sur cette dynamique extrêmement positive. Donc je vois Sinner également."