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La belle (et folle) histoire de Billy Harris

Laurent Vergne

Mis à jour 27/06/2024 à 12:00 GMT+2

Quart de finaliste au Queen's la semaine dernière, Billy Harris est à nouveau en quarts à Eastbourne, avant de s'aligner à Wimbledon. L'Anglais de 29 ans fait fructifier une série de wild-cards sur herbe pour faire décoller une carrière atypique qui a longtemps semblé vouée à rester anonyme. Mais la persévérance paie, parfois. Et quand ça arrive, c'est beau.

Billy Harris, une carrière de labeur et de galères, enfin récompensée à 29 ans.

Crédit: Getty Images

Vous souvenez-vous de la folle aventure de Marcus Willis ? C'était en 2016. L'Anglais avait effectué ses grands débuts sur le circuit principal à l'âge de 25 ans, en se qualifiant pour le grand tableau de Wimbledon, où il avait franchi un tour avant d'avoir l'honneur d'affronter Roger Federer. Dans un registre un peu différent, ce qu'est en train de vivre Billy Harris ressemble également à une nouvelle "feel good story" pour le tennis britannique en ce début d'été 2024.
La trajectoire du natif de Nottingham est peu commune. C'est le moins que l'on puisse dire. Il y a cinq ans, quand l'édition 2019 de Wimbledon a débuté, il ne figurait même plus au classement ATP. On ne l'avait plus vu disputer le moindre match depuis des mois. Plus de matches, plus de points. Harris avait alors 24 ans et l'avenir ne s'annonçait pas vraiment radieux pour celui qui avait écumé le circuit ITF et n'a débuté en Challenger qu'à 23 ans. Une vie de galérien et une carrière ressemblant de plus en plus à une impasse.
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Wimbledon 2013 : Billy Harris à 18 ans, lors du tournoi juniors de Wimbledon. L'heure des rêves. Mais plus dure sera la chute.

Crédit: Getty Images

Faut-il qu'il ait aimé le tennis pour s'accrocher de la sorte durant toutes ces années. Au point de voyager et même de vivre dans un van, un Ford Transit qu'il a aménagé avec l'aide son père. "Après les juniors, quand j'ai commencé à jouer des Futures, je n'avais pas les moyens de voyager en avion. Alors j'ai pensé que le meilleur moyen pour jouer à travers l'Europe serait de rouler", a-t-il raconté l'an dernier sur la chaine YouTube de la LTA, la Fédération britannique de tennis (Lawn Tennis Association).

Medvedev à Nevers

Voilà comment, de la Belgique au Portugal en passant par la France ou la Pologne, l'Anglais a crapahuté dans son van de tournoi en tournoi. Son père lui a fabriqué un lit à l'arrière du véhicule. Il trimbale une petite cuisinière qu'il sort pour faire cuire sa nourriture sur des parkings de supermarché ou du McDo, ainsi que sa machine à corder.
"Certaines semaines, il faisait vraiment froid", se remémore Harris, qui raconte toutes ces aventures le sourire aux lèvres. Comme ce souvenir en France, un hiver, quand l'huile d'olive dont il se servait pour faire la cuisson avait complètement gelé. C'était sa vie et cela a duré près de quatre ans. Il a croisé quelques futures vedettes, comme ce match contre un certain Daniil Medvedev, à Nevers, fin 2015. Le Russe avait alors 19 ans et pointait autour de la 350e place à l'ATP. Il ne se souvient probablement pas de Billy Harris mais l'inverse n'est pas vrai.
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Billy Harris.

Crédit: Getty Images

Le "Brilliant Brit" comme la presse s'est amusée à la surnommer ces derniers jours, ne cherche jamais à susciter quoi que ce soit et surtout pas une forme de pitié. Il avait choisi cette vie et si c'était dur, s'il concède des moments de découragement, il a aussi éprouvé un grand sentiment de liberté. Si l'histoire de Billy Harris peut se raconter avec la banane, c'est parce que sa vie est en train de changer, un peu comme dans un conte de fées.
Cela faisait plusieurs mois qu'il grimpait doucement, à son rythme. En 2023, à 28 ans, il a atteint sa première finale en Challenger, avant de jouer son tout premier match sur le circuit principal à Sofia, en octobre dernier. Sorti des qualifications, il avait franchi le premier tour en battant le tenant du titre, le Suisse Marc-Andrea Hueslter, 7-6 au troisième set, avant de s'incliner contre Jan-Lennard Struff. Son classement a pris des vitamines, petit à petit : 800e fin 2020, 600e en octobre 2021, puis le Top 500 deux mois plus tard, le Top 300 en août 2022 et le Top 200 fin 2023.
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Musetti - Harris : Les temps forts

Wimbledon, puis le Top 100 ?

Mais en ce début d'été, c'est encore autre chose. Peut-être le début d'une nouvelle carrière. La semaine dernière, il a magnifiquement fait fructifier sa wild card au Queen's. En trois jours, il venait de remporter plus de matches que dans toute sa carrière, qui plus est dans un ATP 500, en sortant coup sur coup Tomas Etcheverry et Giovanni Mpetschi Perricard. Et s'il a perdu en quarts de finale contre Lorenzo Musetti, Harris avait déjà tout gagné.
Sa récompense, c'est aussi celle de son père, qui l'a toujours soutenu et continue d'officier en tant que coach, même s'il n'a jamais joué au tennis lui-même. "Il n'a pas vraiment de background dans le tennis et s'il peut taper la balle de l'autre côté du filet, ça s'arrête là. Mais il a vu pratiquement tous mes matches donc personne ne connait mieux mon jeu que lui. Il donne quelques conseils et surtout, il me soutient toutes les semaines", confie Harris.
Il semble lancé désormais. Sur gazon, au moins, une surface qu'il adore. Cette semaine, à Eastbourne, il enchaîne, avec deux nouvelles victoires et un nouveau quart de finale. Quoi qu'il arrive vendredi face à Flavio Cobolli, il touchera lundi prochain son meilleur classement. Si tout se goupille bien ces prochains jours, il pourrait même, pourquoi pas, aller chercher le Top 100, ce qui lui semble presque irréel. Ensuite, ce sera Wimbledon (son premier Grand Chelem, à 29 ans...), où il a hérité d'une autre wild-card, méritée. Mais son nouveau classement va lui ouvrir d'autres perspectives et les portes d'autres tournois.
S'il y a une morale à cette histoire, c'est que cela vaut parfois le coup de s'accrocher, même quand le combat semble vain à beaucoup. Il y a mille façons de réussir. Emerger à l'approche de la trentaine, après avoir été si loin, si bas, si longtemps, c'est une forme de succès. Et parce que son histoire ne ressemble vraiment à aucune autre, on se souviendra de celle de Billy Harris.
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Billy Harris au Challenger de Nottingham en 2024.

Crédit: Getty Images

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