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Kristina Mladenovic, chronique d'une descente aux enfers

Maxime Battistella

Mis à jour 27/09/2023 à 15:53 GMT+2

Battue sans avoir inscrit le moindre jeu la semaine dernière au 1er tour du WTA 1000 de Guadalajara, Kristina Mladenovic n'en finit plus de s'enfoncer. Celle qui fut l'un des deux grands espoirs du tennis féminin français est, à 30 ans, au point le plus critique de sa carrière. Retour sur un parcours chaotique puis une chute lente et continuelle qui conserve une part de mystère.

Kristina Mladenovic en Billie Jean King Cup à Coventry en 2023

Crédit: Getty Images

6-0, 6-0 en moins d'une heure. La claque reçue par la raquette de la 87e mondiale Cristina Bucsa est aussi marquante que le constat implacable : au 1er tour à Guadalajara la semaine dernière, Kristina Mladenovic était à des années-lumière du niveau requis dans un WTA 1000. Quatre mois après sa dernière apparition dans un grand tableau sur le circuit à Roland-Garros où elle s'était déjà inclinée d'entrée, rien n'a donc changé pour "Kiki". Ou plutôt si : la situation a encore empiré. Elle est désormais 206e au classement WTA, des profondeurs qu'elle n'avait plus côtoyées depuis ses 18 ans. Comment celle qui devait porter le tennis féminin tricolore avec Caroline Garcia en est arrivée là ?

2017-2018 : L'explosion avant l'avertissement

Si la trajectoire actuelle de Mladenovic interpelle, c'est parce que sa première partie de carrière était des plus prometteuses. Dans le Top 100 dès septembre 2012, à 19 printemps, elle progresse régulièrement pour s'installer dans le Top 50 en 2015-2016, avant de franchir un cap majeur en 2017. Titrée pour la première (et seule) fois de sa carrière sur le circuit à Saint-Pétersbourg, elle enchaîne plusieurs finales à Acapulco, Stuttgart et Madrid avant d'atteindre les quarts de finale à Roland-Garros, sortant au passage la tenante du titre, Garbine Muguruza.
Du haut de son mètre 84, "Kiki" impressionne tant par sa puissance au service et en coup droit que par sa capacité à varier et à prendre le filet. "Quand on arrive 10e mondiale, c'est que tennistiquement, on a le jeu pour le faire. Elle avait complètement le tennis pour rester autour de la 20e place. Mais c'est avant tout une vraie joueuse d'équipe et c'est pour ça qu'elle est bonne en double. Ce qui lui a manqué, c'est de se 'nourrir' seule pour ainsi dire pour se maintenir à un certain niveau en simple", analyse notre consultante Camille Pin.
Dès l'été, le soufflet retombe en effet. Une dernière victoire au 1er tour à Washington et patatras ! Elle ne gagne plus un match jusqu'à la fin de saison. La série noire se prolonge même jusqu'en février 2018, soit 7 mois de disette. Mladenovic arrête l'hémorragie à 15 défaites d'affilée à… Saint-Pétersbourg où tout avait commencé un an plus tôt. Sans être catastrophique, la suite de l'année n'est pas à la hauteur des espoirs suscités par la précédente. Elle la termine à une 44e place mondiale presque anonyme : elle est rentrée dans le rang.

2019 : Des coups d'éclat et l'espoir d'un second souffle

Ses périodes de creux, Mladenovic les compense par ses performances en double. Elle se construit un palmarès prestigieux dans la discipline, tant avec sa compatriote Caroline Garcia qu'avec son amie Timea Babos. Début 2019, son sacre à l'Open d'Australie – son 3e en Grand Chelem (elle en a six à l'heure actuelle, NDLR) – avec la Hongroise la relance. Pour solidifier son niveau moyen et retrouver des ambitions en simple, elle décide alors d'engager comme coach Sascha Bajin, qui vient de se séparer de Naomi Osaka avec laquelle il a conquis un 2e Majeur à Melbourne.
Globalement, la collaboration fonctionne. Malgré des échecs précoces en Grand Chelem – elle ne dépasse pas le 2e tour –, Mladenovic passe de la 64e à la 39e place mondiale et finit l'année avec deux demi-finales consécutives à Zhengzhou et Moscou. Elle bat surtout cinq membres du Top 10, dont deux numéros 1 mondiales en exercice, Naomi Osaka à Dubaï et Ashleigh Barty en finale de Fed Cup, permettant à la France de rafler le trophée pour la première fois depuis 2003. La marche avant semble réenclenchée…

Fin 2019-2021 : Ruptures et rechute

Oui mais voilà, en coulisses, tout bascule dans l'autre sens. Son idylle avec Dominic Thiem se termine et son coach décide unilatéralement d'arrêter de travailler avec elle pour s'occuper de l'Ukrainienne Dayana Yastremska. A peine posées, les fondations sont ébranlées pour l'exercice 2020. Et comme si cela ne suffisait pas, la pandémie de Covid-19 éclate. Battue au 2e tour de l'US Open en fin d'année par Varvara Gracheva après avoir mené 6-1, 5-1 et obtenu quatre balles de match, elle accuse le coup.
"Je suis à bout. C'est un cauchemar ce qu'on vit là. Je n'ai qu'une seule envie, c'est retrouver ma liberté. C'est absolument abominable comment ils nous traitent", s'exclame-t-elle à propos des restrictions sanitaires mises en place par l'USTA. La saison suivante, malgré un 3e tour à l'Open d'Australie, son meilleur résultat en Grand Chelem depuis Wimbledon 2018, elle replonge à la 92e place mondiale. Si certains observateurs pointent du doigt une absence de remise en question, Camille Pin, qui la connaît bien, opte pour une autre hypothèse.
"Elle est très tenace et très bosseuse, ça ne fait aucun doute, témoigne notre consultante. Par contre, elle a peut-être essayé d'effacer ses émotions au lieu de les affronter. Si les émotions te prennent, tu descends vite en tennis. Et remonter, c'est tellement d'efforts. Elle a fait le yoyo comme ça. Ce n'est pas forcément évident de parler de ses émotions parce qu'on a été dans une culture où on n'avait pas le droit de dire qu'on avait peur."
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Henin sur les propos de Mladenovic : "Ca traduit un énorme problème de gestion émotionnelle"

Depuis 2022 : Le double comme bouée de sauvetage

Enclenché, le cercle vicieux est désormais difficile à arrêter. En 2022, de fréquents problèmes sur le plan physique se sont ajoutés à l'équation, notamment à l'épaule, ce qui n'a pas aidé à fixer un service continuellement en chantier et ses hémorragies de doubles fautes. Seule éclaircie : son 6e et dernier (jusqu'ici) titre du Grand Chelem en double avec Caroline Garcia devant le public français à Roland-Garros. En simple, la dégringolade s'est poursuivie. Et ces deux dernières saisons, Mladenovic a surtout joué sur le circuit secondaire (12 tournois ITF en 2022, 9 en 2023) à cause de son classement.
Cette saison, même en double, son classement est en chute libre (70e cette semaine, alors qu'elle était numéro 1 mondiale en 2021). Alors, à 30 ans, comment se relancer ? Il est peut-être enfin temps de faire un choix.
"Elle a tout gagné en double. Ou elle se dit qu'elle arrête de faire sa programmation en fonction de ça pour se donner plus de chances en simple, ou au contraire elle se consacre totalement au double. Les deux choix sont honorables et Edouard Roger-Vasselin, par exemple, l'a assumé", considère Camille Pin. Avec son jeu offensif différent mais aussi risqué que celui de Caroline Garcia, Mladenovic a besoin d'un cap, de structure et d'un coach en qui elle ait confiance pour redevenir la joueuse qu'elle a été. Tout ce qui lui manque en ce moment.
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