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Jannik Sinner a une arme secrète : "l'ingénieur du cerveau" d'Ayrton Senna

Maxime Battistella

Mis à jour 20/10/2023 à 15:47 GMT+2

Alors que Jannik Sinner progresse vers les cimes du tennis mondial, un membre de l'ombre de l'équipe de l'Italien s'est confié à Eurosport. Riccardo Ceccarelli, médecin du sport et spécialiste en psychologie, aide le numéro 4 mondial à franchir des paliers sur le plan mental, comme il le fait depuis 30 ans aux côtés notamment de pilotes de F1 d'Ayrton Senna à Max Verstappen.

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Au plus haut niveau, tous les détails comptent. Et certains en prennent plus vite et plus intensément conscience que d'autres. C'est le cas, entre autres, de Jannik Sinner qui, s'il n'a pas sauté les étapes à pieds joints comme Carlos Alcaraz, mène admirablement sa petite entreprise. En 2023, l'Italien a franchi des caps importants avec une première demi-finale en Grand Chelem à Wimbledon, un premier titre en Masters 1000 à Toronto et une entrée dans le Top 5 mondial (4e), tout en reprenant l'avantage dans ses duels face au prodige murcien (4 victoires à 3).
Pour expliquer ces progrès notables, il y a ce qui relève du visible : une qualité de première balle améliorée ou encore un jeu au filet. Et puis, il y a ce que l'on ne voit pas. Le travail à l'entraînement, en salle de gym, mais aussi mental. En plus de ses entraîneurs Simone Vagnozzi et Darren Cahill, de son préparateur Umberto Ferrara, Jannik Sinner dispose dans son équipe de l'aide de Riccardo Ceccarelli, médecin du sport et spécialiste en psychologie, qui se distingue depuis trois décennies par son travail dans la Formule 1.
La performance dépend plus du cerveau que des muscles
L'intéressé a collaboré avec plus de 80 pilotes d'Ayrton Senna à Max Verstappen et Charles Leclerc, ainsi qu'avec d'autres funambules, ceux de la MotoGP (Marco Melandri, Danilo Petrucci ou encore Casey Stroner). Mais qu'y a-t-il de commun entre ces champions et ceux de la petite balle jaune ? "Grâce à une étude réalisée par deux pointures en neuroscience de l'Université de Pise, les professeurs Pietro Pietrini et Emiliano Ricciardi, nous avons compris ce qui différencie un cador dans sa discipline d'un athlète normal au niveau cérébral, confie-t-il à Eurosport. Au tennis, comme en Formule 1, la performance dépend plus du cerveau que des muscles : une fois que le corps est entraîné, c'est surtout une question de tête. On dit 'mens sana in corpore sano' ("un esprit sain dans un corps sain", NDLR), mais l'inverse est aussi vrai."
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Le travail entre Sinner et Ceccarelli a commencé en 2020, quelques mois avant le premier titre de l'Italien à Sofia. A l'origine de cette collaboration, un homme : Riccardo Piatti, l'ancien mentor du numéro 4 mondial actuel. Ce dernier avait la conviction que son protégé avait le potentiel pour atteindre les sommets, il a donc voulu lui donner tous les moyens pour y parvenir. Et si Piatti ne fait plus partie de son équipe, force est de constater que Sinner y a trouvé son compte puisqu'il poursuit le travail entamé voici trois ans dans le secteur mental avec une approche pluridisciplinaire.
"Dans notre structure 'Formula Medicine', qui est située à Viareggio, il y a trois docteurs, trois psychologues et trois préparateurs physiques de façon permanente, également soutenus par des kinésithérapeutes, qui travaillent en synergie pour améliorer la performance psycho-physique des athlètes. Ces dernières années, nous avons ajouté à notre équipe deux chercheurs qui travaillent sur des paramètres cardiaques et du cerveau pour optimiser la performance. Notre méthode est le résultat de centaines de tests en situation de stress. Nous entraînons nos athlètes à réduire leur charge émotionnelle quand ils font face à des erreurs, des regrets, des pensées négatives ou la défaite. En résumé : nous tendons à éliminer le gâchis d'énergie mentale", explique Ceccarelli.

Des gains marginaux à tirer d'un territoire encore inexploré

Si Sinner voit régulièrement celui que l'on pourrait qualifier de "coach mental" lors des intersaisons à Monte-Carlo, l'Italien peut aussi travailler à distance en partageant ses données. Il lui suffit d'avoir avec lui un ordinateur et de quelques outils spécifiques comme un bandeau pour mesurer son activité cérébrale, en la comparant aux fluctuations de son rythme cardiaque. Cette approche virtuelle est destinée à modéliser en quelque sorte ce qui l'attendra sur le court.
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"Le but de notre entraînement est de créer des situations qui lui permettent de percevoir des sensations telles que la colère, le découragement, la fatigue, le calme. Il les associera ensuite avec les moments variés rencontrés en match. Nous travaillons beaucoup sur ce que nous appelons la 'conscience de soi' ou le développement d'une profonde connaissance de soi, ainsi que sur le concept de gestion de l'automatisme et du processus cognitif. Le premier représente l'instinct du jeu, connecté à une réaction qui est déclenchée en quelques centièmes de seconde, et le second la construction d'une tactique. C'est seulement de cette manière qu'on apprend comment notre cerveau fonctionne", détaille le médecin du sport.
Et Ceccarelli d'ajouter : "De ce point de vue, j'ai rarement un garçon aussi mûr et déterminé que lui, malgré son jeune âge. Si ce chemin que nous faisons ensemble porte ses fruits, le mérite lui en revient en grande partie parce qu'il a la volonté de se poser des questions pour atteindre ses objectifs. C'est important que le coach mental ne devienne pas une béquille pour ceux qui boîtent : si l'athlète a besoin d'un soutien psychologique à chaque match, ça veut dire qu'il est faible. Une personnalité forte, c'est quelqu'un qui a peu de gens autour de lui et qui va à l'essentiel. Dans mon travail avec Jannik, je suis soutenu par la psychologue Alice Ferrisi. Notre approche est très objective, numérique, nous sommes comme des 'ingénieurs' de son cerveau."
La méthode n'est pas sans rappeler le fameux concept des gains marginaux dans le cyclisme professionnel. Le sport de haut niveau est une mécanique de précision et la santé mentale, longtemps un tabou, représente un territoire encore largement inexploré qu'il s'agit d'exploiter. Dans sa quête des sommets, Jannik Sinner ne laisse rien au hasard. Il a une tête bien faite et en prend soin. Sur le long terme, il pourrait bien en récolter de magnifiques fruits.
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