Patrick Mouratoglou juge l'évolution d'Holger Rune : "On ne peut pas devenir n°1 mondial en trois semaines"

La maîtrise d'un grognard. Et un tableau de chasse qui devient franchement sérieux. Jeudi, sur le court Rainier III, Holger Rune a semblé maître de son tennis et de ses émotions pour venir à bout de Daniil Medvedev en quart de finale (6-3, 6-4). Novak Djokovic, Carlos Alcaraz, Alexander Zverev, Stefanos Tsitsipas, Felix Auger-Aliassime et donc Medvedev : il les a tous déjà battus une fois désormais, dont trois sur terre battue (Zverev, Tsitsipas, Medvedev).

Revoilà donc Rune dans le dernier carré d'un Masters 1000. La dernière fois, c'était à Bercy, pour le résultat que l'on connaît. Ceux qui espéraient le voir prendre feu dès le premier trimestre de l'année 2023 ont dû se rappeler que l'éclosion d'un gamin de bientôt 20 ans – il les aura le 29 avril prochain - réclame du temps. "Il a pour la première fois brillé dans un Masters 1000 il y a quelques mois mais il est toujours en formation d’une certaine manière", estime ainsi Patrick Mouratoglou, qui l'accompagne depuis plusieurs mois désormais, pour Eurosport.

"Holger a des attentes extrêmement élevées, mais il faut se donner un peu de temps aussi : on ne peut pas devenir numéro 1 mondial en trois semaines, sourit le coach français. Il faut continuer à progresser, prendre de l’expérience, comprendre ce qu’il se passe quand on gagne, quand on perd aussi. Améliorer ce qu’il doit l’être : contrôler ses émotions et son état intérieur, ses choix pendant un match. Rien ne s’est mis en place d’un coup".

Cette lente maturation, Rune a parfois du mal à l'accepter. Son impatience, terme qu'il a lui-même employé cette semaine pour se définir, est sa plus grande force mais aussi sa plus grande faiblesse. Il vise les sommets dès maintenant mais se frustre parfois quand les choses ne vont pas dans son sens. Mais, cette semaine à Monte-Carlo, c'est le jeune homme sûr de sa force qui prend un malin plaisir à martyriser ses adversaires.

Pour son entrée en lice, il avait dompté Dominic Thiem, pourtant sur le chemin du retour (6-2, 6-4). Le forfait de Matteo Berrettini lui a offert un répit salutaire avant de se frotter à Medvedev. Même sur terre, le Russe était un client mais surtout un vrai test pour le puncheur Rune. "Il était prévenu que les choses pouvaient se dérouler d’une certaine manière, rappelle Mouratoglou. Face à Daniil, il ne faut pas se précipiter car il est extraordinaire en défense. Parfois, on fait un coup fantastique. Normalement, derrière, on doit finir le point parce que la balle qui vient est courte. Avec Daniil, elle est longue, il faut l'accepter et repartir dans l’échange. Sinon, c’est là qu’on fait des fautes. Même un Daniil diminué ou sur terre battue, il faut le battre". Rune l'a fait, sans jamais perdre le fil conducteur tactique.

Après coup, le Russe n'avait que des éloges en bouche pour le jeune Danois. Sans doute s'attendait-il à pareil match puisque, comme il l'a expliqué cette semaine, les entraînements entre les deux hommes étaient à sens unique. "Oui, c’est vrai, se marre celui qui accompagne également Stefanos Tsitsipas ou Simona Halep. Holger a très bien joué tous ses sets d’entrainements. Il n’en a perdu contre personne de toute manière. Il a fait une très bonne préparation. Contre Daniil, il a effectivement gagné les deux sets. On sait que ce n’est pas pareil, que l’intensité n’est pas la même, que les conséquences de la défaite ne sont pas les mêmes non plus… C’est vrai que c’est mieux de les gagner que de les perdre, mais on relativise quand même".

Sur terre, son lift fait des dégâts mais il faudra trouver sans doute d'autres astuces pour ce qui l'attend ce samedi. Car Jannik Sinner, d'un an son aîné, semble porté par d'autres certitudes même s'il n'a pas encore le palmarès de Rune en Masters 1000. Vendredi, il a littéralement roulé sur l'esthète Musetti sans rien laisser traîner en route. "Monstrueux", c'est le terme employé par Mouratoglou pour définir le niveau actuel de l'Italien.

"Holger sait très bien qu'en ce moment, Jannik est un des trois joueurs au monde qui joue le mieux. Peut-être même l'un des deux avec Daniil, glisse le coach français. Il a une force de frappe exceptionnelle des deux côtés, il n'a pas de point faible, il sert mieux qu'avant. Il bouge très bien, il n'y a pas beaucoup d'espaces ou de choses à exploiter pour le mettre en difficulté si ce n'est jouer mieux que lui et lui rentrer dedans. Donc Holger sait qu'il va devoir faire un match parfait, avec beaucoup d'intentions parce qu'il sait que s'il laisse de la place, ça sera terminé".

Une leçon visiblement parfaitement assimilée par Rune. "Je pense que la clé sera la position sur le court, a résumé le Danois en conférence de presse. Celui qui prendra possession de la ligne de fond sera celui qui aura le plus de chances. Sinner frappe si fort, s’il a le temps de frapper sa balle, il sera très dangereux". Le défi est d'envergure et donc de nature à booster Rune. A Bercy, sa semaine sainte l'avait vu battre cinq membres du Top 10. La preuve que plus le niveau grimpe, plus Rune prend feu. Encore faut-il savoir le contrôler…