ATP Auckland : Richard Gasquet s'arrêtera à 956 semaines consécutives dans le Top 100, un sacré héritage

Cela ne durera encore que quelques semaines. Mais Richard Gasquet devance encore Novak Djokovic dans au moins un domaine statistique d'importance. Vous avez bien lu, c'est bien le numéro 1 mondial et statistiquement meilleur joueur de l'Histoire dont il est question ici. Car lundi prochain, une série hallucinante va prendre fin pour le Biterrois, celle de sa longévité dans le Top 100 : 956 semaines consécutives, du 18 avril 2005 – quelques jours après avoir battu Roger Federer alors patron incontesté à Monte-Carlo à pas encore 19 ans – au 14 janvier 2024.

Novak Djokovic, lui aussi, avait intégré les 100 meilleurs joueurs du monde en 2005, mais trois mois plus tard, le 4 juillet, soit 945 semaines consécutives pour lui. Le Serbe, bien installé sur son trône, dépassera donc bien la marque du Français au printemps. Mais en attendant, c'est toujours Gasquet qui est la référence des joueurs en activité. Andy Murray, autre membre de l'ex-Big 4 du tennis mondial, a, lui, vu sa série s'interrompre en juin 2018 à cause de sa grave blessure à la hanche (un peu plus de 12 ans de suite).

Vous l'aurez compris, ils ne sont que deux et non des moindres parmi ses contemporains à le devancer en termes de longévité dans le Top 100 : Roger Federer et Rafael Nadal. Le jeune retraité suisse y est resté du 11 octobre 1999 au 10 juillet 2022 soit pas loin de 23 ans, tandis que son ex-rival majorquin n'en est pas sorti du 21 avril 2003 au 11 juin 2023, soit également un peu plus de deux décennies. Encore plus significatif pour l'Espagnol : il est resté dans le Top 10 pendant près de 18 ans (912 semaines d'affilée entre le 25 avril 2005 et le 19 mars 2023), un record qui sera difficile à aller chercher.

Et si l'on élargit le spectre, un autre constat s'impose : en termes de constance parmi les 100 meilleurs joueurs du monde, il devance bien d'autres légendes, à commencer par Pete Sampras (14 ans) et Andre Agassi. Le "Kid de Las Vegas" a pourtant émergé tôt, un peu à l'image de Gasquet, et a été l'un des précurseurs en termes de longévité, mais il a connu un creux fin 1997 qui a scindé deux longues périodes de 11 et 8 ans dans le Top 100. Même Jimmy Connors, qui a joué jusqu'à plus de 40 ans, n'a passé "que" 17 années consécutives dans le Top 100, à ceci près que sa série est faussée puisqu'elle commence avec la création du classement ATP en 1973 et qu'il avait déjà gagné 6 titres en 1972…

De ce point de vue, Gasquet aura donc laissé une empreinte remarquable dans son sport. A ce jour, il reste le plus jeune vainqueur d'un match sur le circuit ATP (depuis sa création en 1990). Il avait alors 15 ans face à Franco Squillari (7-6, 3-6, 7-5) au 1er tour à Monte-Carlo. Mais précocité ne rime pas forcément avec longévité, et nombre de sportifs professionnels ayant émergé jeunes ont aussi mis un terme prématuré à leur carrière.

Le Biterrois est évidemment le tennisman français à être resté le plus longtemps sans discontinuer dans le Top 100, loin devant Gilles Simon (15 ans et demi), Fabrice Santoro (13 ans) et un certain Yannick Noah (12 ans et 9 mois). Il est aussi celui qui compte le plus de victoires (602) dans l'ère Open, et seuls trois joueurs en activité dans le monde le devancent dans cet autre secteur : Novak Djokovic (1089), Rafael Nadal (1070) et Andy Murray (733). Et pourtant, Gasquet ne peut ni être considéré comme le meilleur joueur français de l'Histoire ni celui de sa génération, c'est tout le paradoxe. En termes de titres, Noah (23) et Jo-Wilfried Tsonga (18) le devancent.

Le premier reste le dernier Bleu sacré à Roland-Garros en 1983, ce qui lui offre une place à part, tandis que le second a atteint une finale de Majeur (Open d'Australie 2008) et gagné deux Masters 1000 (Paris-Bercy 2008 et Toronto 2014). Gasquet compte bien trois demi-finales de Grand Chelem à son actif (Wimbledon 2007 et 2015, US Open 2013), mais il a conquis ses 16 trophées en ATP 250. Et il a longtemps regretté l'attention démesurée dont il fut l'objet en tant que "petit Mozart" du tennis avec cette fameuse couverture de nos confrères de Tennis Magazine "Le champion que la France attend" alors qu'il n'avait que 9 ans.

Mais, à l'heure du crépuscule de sa carrière, reste la passion du jeu. Celle qui lui a permis de maintenir un tel niveau tennistique moyen et un tel classement pendant toutes ces années. Celle qui lui a offert la grande joie de décrocher encore un trophée à 36 ans l'an dernier à Auckland. Gasquet a souvent dit qu'il continuerait tant que son classement le lui permettrait. Cette chute le fera peut-être réfléchir mais elle pourrait bien n'être que temporaire, tant le feu brûle encore en lui. En attendant, il sera bien au rendez-vous de l'Open d'Australie dans quelques jours pour faire ce qu'il aime le plus : jouer au tennis.