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Quand Günther Steiner dénonce Ralf Schumacher, le pire soutien pour la carrière de Mick

Stéphane Vrignaud

Mis à jour 12/05/2023 à 13:00 GMT+2

Star de la saison 1 de Drive To Survive, Günther Steiner n'a pas changé avec la notoriété mais il avait encore des choses à dire. Dans sa biographie, l'Italien explique d'où il vient, comment il a monté le projet Haas F1, gère le team, ses pilotes. Son récit de la saison 2022 éclaire notamment ses rapport avec Mick Schumacher, et son encombrant oncle, Ralf…

Günther Steiner (Haas) au Grand Prix de Miami 2023

Crédit: Getty Images

Günther Steiner adore sa condition d'underdog en Formule 1. Son style cash et ses bordées d'injures compulsives ne colleraient pas à la communication d'un grand constructeur. Haas, une écurie en kit partagée entre la base étasunienne symbolique de Kannapolis, les bureaux italiens de Maranello, qui dessinent la monoplace, et les ateliers anglais de montage à Banbury, est tout ce qu'il lui fallait et fait son bonheur. Et il le dit très bien dans sa biographie sortie mercredi, aux éditions Talent Sport.
"Surviving To Drive" est évidemment un clin d'oeil à la série de Netflix. L'Italien de 57 ans à l'inimitable accent guttural est devenu une star dès les premières minutes de la saison 1 de Drive To Survive, où on l'entend avouer "Nous avons l'air d'une bande de branleurs" à son boss Gene Haas, à l'autre bout de son portable. Kevin Magnussen et Romain Grosjean n'ont même pas couru la moitié du Grand Prix d'Australie 2018, stoppés à deux tours d'intervalle par une roue mal fixée. Dans le paddock, on appelle ça de l'amateurisme et il n'a pas trouvé d'autres mots pour l'exprimer.

"Parfois obligatoire d'utiliser un langage grossier"

Tout au long de son récit déroulé comme un journal, Günther Steiner nous raconte sa vie de directeur d'équipe, comment il a créé cette équipe à son image et à celle de l'entrepreneur Gene Haas ; ses combines faites de bout de ficelle, son style de manager rentre-dedans, son énorme patience face aux gaffes de ses pilotes aussi. Entre espoirs de sortir de l'anonymat et crainte de la fermeture pure et simple du team.
Günther Steiner ne sort pas de nulle part. Son vocabulaire familier non plus. Mécanicien de formation, il a gravi les échelons en WRC, jusqu'à devenir directeur technique du projet Ford Focus chez M-Sport, du temps de Carlos Sainz et Colin McRae, excusez du peu. En rallye, les structures sont petites, tout le monde se connait et la franchise est de mise. Voilà comment les "merde", "putain de" et autres dérivés fleuris rythment 268 pages comme une ponctuation. Parce qu'"il est parfois obligatoire d'utiliser un langage grossier"…
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Frédéric Vasseur (Alfa Romeo), Mario Isola (Pirelli), Günther Steiner (Haas) au Grand Prix des Etats-Unis d'Amérique 2022

Crédit: Getty Images

"Je n'ai jamais regardé un seul épisode de Drive To Survive"

Niki Lauda ne savait pas tout ça et il était de toute façon décidé à l'appeler pour co-diriger l'écurie Jaguar, en 2001. Puis, l'entité vendue à Red Bull en 2005, ce brave Günther s'est installé aux Etats-Unis. Et a décidé de replonger suivant l'intuition brillante que les Etats-Unis ne pouvaient rester sur l'échec du projet mort-né USF1. Et c'est seulement avec la foi de Gene Haas et en remuant Bernie Ecclestone, Niki Lauda, Jean Todt, et Stefano Domenicali, patron de Ferrari, qu'il a réussi à installer Haas sur la grille.
Intronisé en 2016, Haas n'a donc réellement existé aux yeux de tous que lorsque Netflix a débarqué en 2019. Et fait du volubile italien une véritable coqueluche. Sans s'en émouvoir. "Je n'ai jamais regardé un seul épisode de Drive To Survive, et je ne le ferai probablement jamais", assure-t-il. Lui au moins ne jouera pas un rôle - comme presque tous - à partir de la saison 2.
Depuis, sa popularité n'a jamais faibli - on lui demande des selfies partout - mais il manquait peut-être quelque chose, un éclairage différent pour sortir de ce portrait qui devenait réducteur, à force de tourner autour des turbulences créées par Kevin Magnussen et Romain Grosjean. En 2021, il s'est justement débarrassé du Danois et du Français, sans y voir plus clair. C'était impossible avec deux débutants, mais en 2022 le temps des excuses était révolu et la saison a pris de l'épaisseur. Une tournure imprévue même lorsque la Russie de Vladimir Poutine a agressé l'Ukraine le 24 février, et disqualifié ses sportifs. A cet instant, se débarrasser de Nikita Mazepin n'est pas un cas de conscience, et virer Uralkali, le sponsor-titre paternel, non plus ; même si ça devient un défi financier dont l'équipe n'avait pas besoin.
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Mick Schumacher (Haas) au Grand Prix du Japon 2022

Crédit: Getty Images

Monaco, le début de la fin

C'est à partir de là que tout démarre, et devient intéressant. Car le remplaçant de l'arrogant Nikita Mazepin, tel qu'il s'est plu à se montrer sur Netflix, va empêcher l'autre pilote, Mick Schumacher, de ronronner. "Kevin a déjà plus d'une centaine de Grands Prix à son actif, et Mick ne pourra que bénéficier de son expérience, expose Günther Steiner, à propos du revenant. Cela pourrait également nous aider à déterminer le niveau de Mick, car pour l'instant, nous ne le connaissons pas vraiment."
Le pitch est posé et il va tenir toutes ses promesses, à grand renfort de crashes en piste et de maladresses du clan allemand en coulisses. Jusqu'à la chute du fils du septuple champion du monde.
Djeddah, deuxième week-end de course et première fissure. "D'après ce que je sais, il est arrivé trop vite sur le vibreur, au virage 12, a perdu l'arrière de la voiture et est allé directement dans la barrière de sécurité, explique Steiner. Le dilemme auquel j'ai été confronté lorsque Mick a eu son accident, c'était de savoir si je devais ou non demander aux mécaniciens de travailler toute la nuit pour assembler une nouvelle voiture, pour Mick, ou si je devais retirer la voiture de la course. Finalement, il ne m'a fallu que deux minutes pour prendre la décision." Par crainte d'un nouveau crash pénalisant pour le Grand Prix suivant, en Australie. Le timing pouvait être un vrai problème. Et puis, Schumacher Jr n'a quasiment aucune chance de marquer. "Mick est finalement sorti de l'hôpital et aurait pu courir", avoue-t-il. Loin de tout ça.

"Incapable d'admettre la gravité de la situation"

Dans la suite de Melbourne, Imola est un nouvel épisode embarrassant. Mick heurte Fernando Alonso (Alpine) et fait un tête-à-queue. L'idée se répand dans le paddock selon laquelle la voiture vaut mieux que ses résultats. Si le boss soupçonne "K-Mag" de tomber dans un faux rythme, il commence à se faire une idée plus tranchée du niveau de l'Allemand. "Je suis un peu déçu par Mick. Je lui donne encore quelques courses, mais il faut que quelque chose se passe", annonce-t-il.
Monaco lui donne une réponse, deux rendez-vous plus tard. Le dimanche, le champion de Formule 2 2020 découpe sa Haas en deux contre un rail dans le esse de la Piscine. "La première fois qu'un pilote détruit une voiture en raison d'une erreur humaine, il faut l'oublier. La deuxième fois, on se dit qu'il y a quelque chose qui cloche", grogne l'Italien. Un doute qui débouche sur une justification aussi confondante qu'éclairante sur l'incapacité d'introspection du fautif : "Mick semble incapable d'admettre la gravité de la situation (…) L'excuse de Mick est que, pour aller plus vite, il doit prendre plus de risques, et c'est une occasion où prendre plus de risques n'a pas fonctionné. C'est peut-être une raison, mais ce n'est pas une excuse. Qu'est-ce qu'il veut ? Que je lui donne la permission de continuer à prendre des risques dans des courses qu'il ne sait pas gérer ?"

Ralf dans un mauvais rôle

Ce n'est plus du dépit, c'est un réquisitoire. Et malheureusement, Mick ne choisit pas bien son avocat. Ralf, son oncle, l'a couvé, protégé, dans son ascension, mais il s'en prend régulièrement au patron de Haas sur les circuits, et ce n'est pas une bonne idée. "Je parlais l'autre jour avec Johnny Herbert, que je connais pour avoir travaillé chez Jaguar, et il m'a dit qu'en onze ans de F1, le seul pilote qui lui ait vraiment posé un problème est l'oncle de Mick, révèle Steiner. Johnny est très tolérant. Il faut donc se lever tôt pour se le mettre à dos. C'est aussi un très bon présentateur, il peut être critique ou polémique sans que cela devienne personnel. Je pense que l'oncle de Mick n'est pas assez intelligent pour comprendre la différence."
Après la course à Spielberg, Günther Steiner cherche l'oncle Ralf, six fois vainqueur en F1, et ses collègues de Sky Allemagne, histoire de faire la paix autour de la huitième place de Mick. Sans les trouver. Après neuf résultats blancs, le jeune Allemand vient de score coup sur coup, mais il reste éclipsé par Magnussen. Et c'est peut-être pour ça que Haas réserve le seul pack de nouvelles pièces au Viking en Hongrie.
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Günther Steiner et Mick Schumacher (Haas) au Grand Prix des Pays-Bas 2023

Crédit: Getty Images

Austin, fête gâchée

A Monza, en septembre, Steiner assure que c'est encore du 50-50 pour 2023, mais le vent va tourner définitivement un mois plus tard, à Suzuka. Où Steiner manier l'ironie pour masquer sa rage. "Quel début de week-end !, écrit-il. Mick a eu un accident dès le début des essais libres 1, causant 700.000 dollars de dégâts ! C'est arrivé dans le premier tour. Le premier tour ! Je ne peux pas avoir un pilote dont je ne suis pas sûr qu'il puisse piloter une voiture en toute sécurité sur un tour lent." L'Allemand rentrait "prudemment" de son tour de reconnaissance sous la pluie. Un naufrage total.
Le sort en est jeté, et l'acharnement de Ralf aggrave le cas du neveu à Austin, où Haas annonce à la maison un contrat de sponsoring-titre - près de 100 millions de dollars - et le non-renouvellement du contrat de son pilote. Un timing déplorable. "L'oncle de Mick a recommencé à sortir des conneries, peste l'Italien. D'après lui, tout le monde chez Haas fait du bon boulot, sauf Gene et moi. C'est vrai. Bien que son neveu ait déjà détruit deux voitures cette saison et qu'il n'ait encore marqué que 12 points (soit 10 de moins que Kevin), Günther Steiner et Gene Haas sont les maillons faibles. Cet homme est manifestement un génie. La chose la plus raisonnable à faire dans cette situation serait de voir s'il peut aider son neveu et servir à quelque chose, au lieu d'essayer de remuer la merde et de faire la une des journaux."
A ce tarif-là, Schumi Jr n'avait pas d'avenir en Formule 1. Il doit désormais s'en réinventer un. Pour l'heure, il joue le pilote-mannequin dans le garage Mercedes, sous le regard bienveillant de Toto Wolff. Mais le clan Schumacher n'est pas loin de ses démons en faisant courir le bruit que Mick pourrait remplacer Hamilton en 2024. Ou en s'étonnant de l'absence d'intérêt d'Audi. Le feuilleton aura peut-être une suite. Günther Steiner nous a en tout cas prévenus.
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