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Red Bull | Christian Horner, un perpétuel besoin de revanche

Stéphane Vrignaud

Mis à jour 30/06/2023 à 15:32 GMT+2

En Formule 1 depuis presque deux décennies, Red Bull est devenue la cinquième écurie à atteindre les cent victoires au Grand Prix du Canada. Plus que jamais sur la route d'un nouveau doublé aux Championnats du monde Pilotes et Constructeurs, elle s'appuie sur un patron, Christian Horner, qui a pris de l'épaisseur médiatique au fil du temps, et surtout d'une rivalité avec Toto Wolff.

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Il se rêve sans doute en membre le plus influent du paddock sans l'être encore, ni peut-être pouvoir le devenir un jour. Qu'importe. Christian Horner est l'homme qui a remis Red Bull en haut de l'affiche depuis la finale à sensation de la saison 2021. A Abou Dabi, le directeur d'équipe de Milton Keynes avait mis son pilote Max Verstappen sur orbite mondial en poussant habilement le directeur de course à la FIA, Michael Masi, à relancer l'épreuve dans le dernier tour, au seul prétexte d'éviter à la Terre entière la frustration d'une fin sous régime de neutralisation. C'était à la fois la solution du pire - sauf pour son camp - et une brillante improvisation qui avait pris de cours son alter ego de Mercedes, Toto Wolff, et sa star finalement déchue, Lewis Hamilton.
Cela reste un coup de maître, et son grand fait d'arme depuis qu'il a pris en main l'écurie autrichienne en 2005, sur les ruines de Jaguar Racing. Et en ce vendredi de Grand Prix d'Autriche, il peut savourer "à la maison" ce cap significatif des cent victoires passé par Red Bull Racing il y a deux semaines, au Canada. Et penser à la suite : dans trois courses, Red Bull effacera peut-être le record de victoires consécutives (11) établi par McLaren en 1988 avec Alain Prost et Ayrton Senna. Non content d'avoir entendu Lewis Hamilton dire cette semaine que Max Verstappen pourrait surpasser tous ses records, Christian Horner sait que son équipe devra pas mal cravacher car "Super Max" n'est pas encore en approche des sept titres, 103 victoires et pole positions.
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Le plus jeune directeur d'équipe

S'il ne se sentira jamais aussi bien que chez lui, à Silverstone, Christian Horner est conscient de ce qu'il doit à l'Autriche, qui lui a donné l'opportunité d'en être là, grâce à sa garde rapprochée, et d'occuper l'espace médiatique à travers son meilleur ennemi. En effet, il n'était qu'un pilote plutôt moyen de Formule 3000 - l'ancêtre de la Formule 2 - face aux Juan Pablo Montoya et autres Tom Kristensen, lorsqu'il a rencontré Helmut Marko. Après deux saisons dans l'antichambre de la Formule 1 avec l'équipe montée en 1997 avec son père Garry, il a raccroché, et c'est en patron d'Arden International qu'il se déplace à Graz, en Autriche, pour acheter une caravane à "un type autrichien", dont il ignore le palmarès de vainqueur des 24 Heures du Mans en 1971 et de retraité de la Formule 1, à cause d'un œil crevé au Grand Prix de France en 1972.
Les deux hommes n'ont pas prêté attention l'un à l'autre mais sont faits pour se retrouver. En effet, Horner mène bien sa barque pour un jeune manager et ne tarde pas à attirer l'attention. Au point de recroiser pour de bon le Dr Marko, ami proche de Dietrich Mateschitz, big boss de l'empire de la boisson énergisante, puisqu'il lui confie des jeunes pilotes de la RSM Marko - le Red Bull Junior Team si vous préférez. Le travail est si bien fait - des titres Pilotes pour Björn Wirdheim et Vitantonio Liuzzi - et Horner a les dents si longues - il cherche à acheter Jordan - que Marko pense à lui lorsque Red Bull rachète Jaguar pour faire de la Formule 1 en son nom en 2005. Casser les codes de la communication, faire souffler un vent nouveau et renverser l'ordre établi : voilà le crédo de Red Bull Racing, qui met sa promesse à exécution en embauchant un directeur d'équipe de 31 ans, le plus jeune de toute l'histoire du championnat du monde encore aujourd'hui.
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Horner - Marko, duo complémentaire

Et à partir de là, tout s'enchaîne car les rôles sont bien définis. Marko livre des bébés champions clé en main à l'écurie et Horner fait avancer le recrutement à pas de charge. Avec subtilité puisqu'il mandate son nouveau pilote David Coulthard pour attirer son ami des années McLaren, le génie de la technique Adrian Newey, à Milton Keynes. Après quatre ans d'existence de l'écurie, la question se pose de savoir si Horner est bien l'homme de la situation, mais Marko referme opportunément le débat, juste avant quatre saisons (2010-2013) de règne sans partage, côté pilote avec Sebastian Vettel comme chez les constructeurs. Et même si Mark Webber est un n°2 plus gênant que prévu, le désormais Monsieur Geri Halliwell à la ville continue d'exercer son pouvoir avec cynisme : Vettel reste l'élu, le numéro 1 tel que l'a décidé Marko, comme Max Verstappen le sera bientôt.
Arbitre des frustrations de Mark Webber ou Daniel Ricciardo, Christian Horner a un principe intangible : il se garde de critique ses pilotes en public et reste positif face aux échecs répétés de Pierre Gasly, Alex Albon ou Sergio Pérez. Car pour les jugements lapidaires, cinglants, il laisse Marko faire le sale boulot. Et se vanter d'avoir donné le coup (souvent de téléphone) de grâce. Ce qui pourrait arriver bientôt à Nyck de Vries, dans l'œil du cyclone chez AlphaTauri, le junior team. "La dernière fois que nous n'avons pas été d'accord (sur un recrutement), c'était à propos de Nyck de Vries, a lâché cette semaine Marko. Et à cet instant, il semble qu'il avait raison. Il n'était pas fan."
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Dérapages

Dans cette organisation bien huilée, où Horner se charge des recrutements, de la modernisation de l'usine (la création du département moteur est son dernier défi en date) et des relations avec la FIA, le promoteur du Mondial et les équipes adverses, la défaite n'a pas toujours été facile à gérer. Et spécialement la fin de l'histoire avec Renault, révélée par la première saison de Drive To Survive, la série de Netflix, en 2019. C'est certainement là que le directeur général de Red Bull Racing a pris goût à la notoriété, avec un esprit de revanche pas toujours contenu face à Toto Wolff, boss de l'équipe Mercedes et homme le plus puissant du paddock.
A ce titre, le Grand Prix du Qatar 2021 a été un tournant. S'il s'était montré ironique, goguenard, avec Cyril Abiteboul du temps de Renault, il a versé le temps d'un week-end dans une vulgarité nouvelle, entre l'avertissement à son collègue - "Je ne suis pas venu lécher le cul de Toto Wolff comme d'autres directeur d'équipe le font" - et les insultes post-qualification lancé au commissaire "voyou" qui avait déclenché une rétrogradation de Max Verstappen. Ce qui lui avait valu un travail d'intérêt général à la FIA.
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Mind game

Ce n'était pas un dérapage car le patron anglais a depuis lors toujours pris soin d'entretenir son inimitié avec son alter ego de Mercedes. Et pas plus tard que mercredi, dans le documentaire "Les secrets du succès" diffusé sur Sky Sport, il en remet une couche pour rappeler qui il est, une fois encore à travers le contre-exemple de Toto Wolff, avec qui il refuse de normaliser ses relations, parce que "ce serait malhonnête". "N'importe quel sport est une lutte psychologique, mais quand on voit une partie du camp le perdre et casser un casque, on se dit "OK, on sent la pression". Et s'il ressent la pression, tout le monde la ressent autour de lui car elle se transmet. Je le ferai jamais. En mon for intérieur, j'aurais cassé le casque mentalement mais je ne l'aurais pas fait physiquement."
Toto Wolff avait effectivement manifesté sa colère en voyant dans quelles conditions le Grand Prix d'Abu Dhabi serait relancé pour un dernier tour en 2021, et peut-être que beaucoup auraient fait la même chose. Chris Horner veut paraître distant vis-à-vis de son adversaire, mais l'est-il réellement. "J'occupe la moindre de ses pensées, lançait l'Autrichien en début d'année, à The Times. Ce type est obsédé par moi. Chaque seconde que je passe à parler de Horner est une perte de temps dans ma vie." Il a d'ailleurs bloqué. Ils n'ont plus que se parler par pilotes et voitures interposées. C'est finalement ce qu'on préfère.
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