Raheem Sterling, transféré à Arsenal : Fin du no man's land... et de l'injustice ?
Absent de la première liste de Lee Carsley, nouveau sélectionneur par intérim des Three Lions, Raheem Sterling a malgré tout fait parler de lui ces derniers jours avec un transferts à Arsenal. Le mal-aimé du football anglais, malgré ses performances, va-t-il revenir sur le devant de la scène après un passage dans un Chelsea dysfonctionnel ? Réponse avec notre chroniquer Philippe Auclair.
Raheem Sterling, nouvelle recrue d'Arsenal
Crédit: Getty Images
Quelque chose d'étrange arriva à Raheem Sterling lorsqu'il quitta Manchester City pour Chelsea il y a deux ans. Ce n'est pas qu'il disparut. Mais il s'estompa, il s'effaça sans qu'on sache trop pourquoi, comme un croquis au fusain après un coup de pouce malencontreux. On le l'oublia pas tout à fait, mais on fit comme s'il n'était plus là.
Pour la première fois d'une carrière entamée il y a douze ans, quand Kenny Dalglish était encore le manager de Liverpool, il ne faisait plus débat. Il n'est plus un sujet de désaccord ou de conversation, si ce n'est pour poser la question, "que lui est-il arrivé?", voire "il joue encore?" Et désormais: "Ah bon, il est à Arsenal, maintenant?"
Rappel : Raheem Sterling, 20 buts et 27 passes décisives en 82 sélections pour l'équipe d'Angleterre, n'a pas encore trente ans.
On en a pourtant dit tellement sur son compte, dans les tabloïds, surtout. Des choses détestables, ignobles, mensongères pour la plupart, sur ses tatouages, sa vie privée, la maison qu'il avait offerte à sa maman, les nombreux enfants qu'on lui a prêté (à tort), ses manteaux de fourrure à la Funkadelic, son côté "bling".
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Raheem Sterling avec le maillot des Three Lions
Crédit: Getty Images
Un style incompris, un apport sous-estimé
"C'est à cause de ma gueule", expliqua la cible de ces massacres à la Une. La gueule d'un jeune Londonien d'ascendance jamaïcaine qui avait grandi dans un quartier dit "difficile", la gueule de ces gamins à la peau trop sombre qui flanquent la trouille aux bourgeois lorsqu'ils traînent en groupe à la sortie d'un métro.
On aurait pu parler d'un autre Sterling. L'enfant de Kingston et de Wembley qui n'a jamais oublié d'où il venait. Le Chrétien fervent. Le compagnon de Paige Millan, à ses côtés depuis son adolescence, qui laissa tout tomber pour le suivre à Liverpool et lui donna deux enfants. Le footballeur aussi, peut-être?
Car pendant que le Sun et les autres fouillaient dans les poubelles, une autre presse n'est jamais parvenue à laisser ses doutes et ses préjugés à la porte quand il s'est agi d'évaluer ce que Sterling avait apporté à ses clubs (Liverpool, Man City, Chelsea et Arsenal, on a vu pire comme parcours, non?) et à son pays. Il peut frustrer par moments, voire exaspérer. C'est son style qui veut ça. Il est un hyperactif, un action man. Il lui est arrivé de se laisser griser par sa vitesse et de s'emmêler dans ses dribbles, de manquer des buts "tout faits", d'oublier un coéquipier mieux placé que lui.
Il lui est arrivé ce qui, tout bêtement, arrive à tout attaquant. La différence est qu'on se souvient de ces quelques ratages comme autant de "preuves" que Sterling, franchement, il y a mieux. Il n'en va pas ainsi quand Harry Kane frappe au-dessus de la transversale ou dans les bras du gardien. Cela n'empêche pas Sterling d'avoir davantage de buts et de passes décisives à son crédit que quelque autre joueur de Premier League en activité, hormis Mo Salah : 185.
Heureusement pour lui, la plupart de ses entraîneurs n'ont pas eu de ces œillères, même s'ils n'ont pas toujours été justes avec lui. Le plus important de tous, Pep Guardiola, sait ce qu'il doit à l'ailier qu'il avait hérité de Manuel Pellegrini. Sur les six saisons que Sterling joua sous les ordres du Catalan, il en finit cinq à la seconde place du classement de leurs buteurs en Premier League. La sixième ? C'est quand il se montra encore plus efficace que Sergio Agüero, en 2019-20, et marqua 20 des 102 buts iscrits par City cette année-là.
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Pep Guardiola donne ses consignes à Raheem Sterling
Crédit: Getty Images
Victime de Chelsea
Même lorsque l'arrivée de Jack Grealish, en 2021, accentua encore la concurrence à son poste de prédliection sur le flanc gauche - où Guardiola aligna aussi Phil Foden et Gabriel Jesus cette saison-là -, seul Kevin de Bruyne se montra plus prolifique que lui à occasion: 15 buts contre 13 à l'Anglais.
C'est un fait. La contribution de Sterling à l'ascension de Manchester City au premier rang des équipes anglaises de la décennie passée est constamment sous-estimée. Une raison en est sa personnalité - plus exactement, la façon dont elle est présentée dans les médias britanniques. Une autre en est les circonstances dans lesquelles Pep Guardiola s'est séparé de lui. On a voulu y voir une sorte de désaveu, quand il s'agissait d'abord d'une refonte du système guardiolien, qui devait désormais accommoder un certain Erling Haaland.
Et par malheur, c'est à Chelsea que Sterling atterrit, pile au moment où un club déjà dysfonctionnel entrait dans la phase la plus tumultueuse de son histoire. Thomas Tuchel, qui avait validé son arrivée à Stamford Bridge, fut démis de ses fonctions moins de deux mois plus tard. Graham Potter en dura sept. Frank Lampard revint pour un désastreux intérim. Mauricio Pochettino, qui remit l'équipe sur les rails, en fut remercié par un licenciement.
Chacun d'entre eux semblait avoir une idée différente du poste auquel Sterling pouvait contribuer le plus: du coup, il en occupa six en l'espace de deux ans. Citez le nom d'un joueur de Chelsea - d'un seul - qui aie flambé durant ces deux années pendant lesquelles Todd Boehly et ses associés donnèrent preuve sur preuve de leur incompétence ?
Avec Arteta, il est en terrain connu
C'est ainsi que Sterling, à qui on ne passe rien, se retrouva dans une sorte de no man's land. Encore titulaire dans le onze de Gareth Southgate qui joua les deux premiers matches du Mondial de 2022 - son cinquième grand tournoi avec les Three Lions (*) -, Sterling n'a plus été convoqué en sélection depuis.
Aucune question ne fut posée à son sujet lorsque le nouveau sélectionneur (par intérim) Lee Carsley s'adressa à la presse la semaine passée, quand il aurait été inimaginable de ne pas le voir sous le maillot anglais il y a seulement trois ans de cela. Le nouveau manager de Chelsea Enzo Maresca, après s'être reposé sur lui durant les matches de pré-saison, durant lesquels Sterling excella, a finalement décidé qu'il n'était pas le genre d'ailier qui correspondait à son style de jeu. La vérité était peut-être d'un autre type. Sterling était le mieux payé des joueurs de l'effectif pléthorique des Blues, dont les comptables se tournent vers des 'solutions' de plus en plus loufoques (se vendre des hôtels à eux-mêmes, et faire pareil pour les féminines du club) pour équilibrer les comptes.
Aussi Sterling a-t-il soif de revanche. Aussi son passage à Arsenal ne pouvait-il survenir à un meilleur moment. Il sait combien Mikel Arteta, qu'il côtoya un peu plus de trois ans à Manchester, l'apprécie. Il a pris soin de mettre tous les atouts de son côté. Il a son propre préparateur physique, Ben Rosenblatt, l'ancien physiothérapeute de la sélection anglaise. Il a travaillé d'arrache-pied sur sa condition physique durant l'inter-saison, et est allé peaufiner sa préparation avec les rugbymen de Harlequins et les judokas du club de Camberley avant de rejoindre Chelsea. Il est prêt.
(*) Coupes du Monde de 2014, 2018 et 2022, Euros 2016 et 2020, plus la phase finale de la Nations League de 2019.
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