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"PSG Confidential" : Plongée au cœur des arcanes du PSG, avec François Vignolle

Paul Citron

Publié 22/06/2024 à 23:30 GMT+2

Parue le 25 avril 2024 aux éditions Robert Laffont, l'enquête intitulée "PSG Confidential : Argent, politique et barbouzeries, l'histoire secrète du club parisien" nous plonge dans les arcanes du club parisien, des premiers contacts avec le Qatar jusqu'à la Coupe du monde 2022. L'un des auteurs, François Vignolle, nous a accordé un entretien pour retracer la construction de cette vaste enquête.

Neymar i Nasser Al-Khelaifi

Crédit: Eurosport

Comment vous est venu l'idée de travailler sur le PSG ?
François Vignolle : Avec Laurent Valdiguié, mon co-auteur, on avait déjà écrit un livre qui s’appelait "Gérald Darmanin, le baron noir du Président". On réfléchissait à un autre projet, et on observait cette actualité quotidienne du Paris Saint-Germain. On s’est dit : "Mais c’est bien plus que du foot, le PSG." C’est de la géopolitique, de la politique, c’est une marque mondiale, ce sont aussi des affaires. Donc on est parti sur cette idée-là.
Pourquoi avoir choisi ce terme de "barbouzeries" dans le sous-titre, que l’on entend presque uniquement lié au PSG ? Qu’est-ce qu’il définit ?
F. V. : Des barbouzeries, ce sont des affaires occultes, menées par des gens pas forcément fréquentables. On a quand même rencontré au cours de notre enquête trois personnes condamnées à mort par le Qatar, pour de présumées barbouzeries : c’était la première fois avec Laurent que l’on prenait rendez-vous avec des gens condamnés à mort. On avait pourtant déjà travaillé sur des sujets sensibles. Pour nous, voir ces trois hommes demandait énormément de précautions, ils ne vont plus à l’étranger parce qu’ils ont peur d’être ramenés au Qatar et d’être fusillés.
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Le parcours de Nasser Al-Khelaifi jusqu'à son arrivée à la tête du PSG est l'un des chapitres de "PSG Confidential".

Crédit: Getty Images

C'était la première fois que l'on prenait rendez-vous avec des gens condamnés à mort
Il y a l’ancien majordome et homme à tout faire de Nasser Al-Khelaïfi, qui soutient qu’il n’a pas été payé à l’aune de ce qu’il a fait. Il y a un consultant français, soupçonné par les Qataris d’avoir utilisé une clé USB contenant des vidéos intimes de Nasser. Il est soupçonné par Doha d’avoir voulu monnayer des vidéos intimes de Nasser aux Emirats Arabes unis. Ce qu’il nie en bloc se disant victime d’une cabale. Et voilà comment on passe d’un conte des mille et une nuits, au moment où le Qatar arrive au PSG, à un roman d’espionnage de John Le Carré, avec trois personnes dont la vie est en sursis.
Au moment où nous nous entretenons (le 7 juin, ndlr), la dernière actualité autour de toutes les affaires liées au PSG est l’audition par l’Inspection Générale de la Police Nationale comme témoin libre de Hugues Renson, ex-député, dans le cadre de l’enquête sur le transfert de Neymar en 2017. Pouvez-vous nous résumer cette affaire ?
F. V. : On est à l’été 2017, le PSG veut faire un gros coup. Il veut le meilleur joueur, ou au moins l’un des meilleurs joueurs du monde au FC Barcelone : Neymar. Les Qataris en ont fait leur objectif. Or, Neymar a une clause libératoire très élevée, pour dissuader les autres clubs de l’acheter : 222 millions d’euros. Pour lever cette clause, en principe, c’est le joueur qui doit d’abord débourser. Dans les faits, c’est le club acheteur qui cède cette somme à son futur joueur pour qu’il règle sa clause libératoire.
Mais fiscalement, en France, cela pose problème car on peut estimer que c’est une avance sur salaire, qui est donc soumise à l’impôt et aux cotisations sociales. Là, c’est branle-bas de combat au PSG : 222 millions d’euros, c’est déjà beaucoup, mais s’il faut dépenser, selon leurs estimations, 70 à 200 millions d’euros de plus, ce n’est juste pas possible pour eux.
Commence un travail de lobbying. Jean-Martial Ribes, à l’époque directeur de la communication du PSG, joint un proche qui s’appelle Hugues Renson, alors député La République en Marche et vice-président de l’Assemblée nationale. Il est fan du PSG, il adore le club. Par SMS, Hugues Renson a déjà dit plusieurs fois à Ribes : "Si un jour, il y a un boulot au PSG, je viens tout de suite, je quitte mon poste de député." Le PSG n’a plus de temps à perdre : Ribes lui demande de voir avec Bercy (le ministère de l’Economie et des Finances, ndlr) pour savoir s’il est possible d’avoir un accord avec le fisc, afin de ne pas payer de charges sur le transfert. Renson contacte Gérald Darmanin, à l’époque ministre des Comptes publics. Et il apparaît qu’in fine, le club n’a pas payé d’impôts sur ces 222 millions d’euros. Aujourd’hui, la justice tente de déterminer si le club a bénéficié de cette faveur fiscale en toute légalité sans trafic d’influence.
Si l’on aborde le volet sportif, cette saison 2023-2024 a marqué un tournant dans la mesure où l’objectif de la Ligue des champions n’a pas été affiché par la direction au début de la saison. Est-ce que selon vous, c’est un gros virage dans la stratégie du club ?
F. V. : J’ai l’habitude de dire qu’il n’y a pas d’amour, seulement des preuves d’amour, donc on verra la suite. Mais quand j’ai rencontré Victoriano Melero (membre du board du PSG, ndlr) au mois de janvier, il m’a très vite dit : "Nous souhaitons construire un groupe. La Ligue des champions n’est plus une obsession." David Sugden (bras droit de Nasser Al-Khelaïfi, ndlr) nous a répété la même chose : "Evidemment qu’on veut gagner la ligue des champions. Mais ce n’est pas notre but ultime. C’est davantage comment on joue au football, comment les fans sont engagés, comment les jeunes nous suivent. Voilà une nouvelle philosophie."
Selon moi, le Qatar a vécu toutefois une petite humiliation – même s’ils ne nous le disent pas – concernant la victoire en Ligue des champions de Guardiola (en 2022-2023) avec Manchester City sous le pavillon des Emirats arabes unis, grand rival du Qatar. Et ils se sont peut-être rendu compte que chez eux, il y avait eu un gros turnover : 8 entraîneurs en 13 ans. Avec, selon moi, une faute originelle dans la gestion de Carlo Ancelotti, qui vient d’ailleurs de remporter une nouvelle ligue des champions avec le Real cette année.
Le Qatar a vécu une petite humiliation avec la victoire de Manchester City en Ligue des champions
Quelle est cette faute ?
F. V. : Carlo Ancelotti arrive de Chelsea à l’hiver 2011-2012. On lui a vendu un projet d’envergure, avec du temps, un budget peut-être pas illimité mais très ambitieux… Tout cela lui va très bien. Et en mars 2013, il y a ce match au stade Auguste-Delaune, pour la 27e journée de championnat. Ce jour-là, le PSG perd contre Reims, qui était pourtant réduit à 10. Lavezzi rate un face-à-face, Ibrahimovic met un but ensuite refusé pour un hors-jeu litigieux… Les amateurs de football le savent bien : quand ça ne veut pas, ça ne veut pas.
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Nasser Al-Khelaïfi et Carlo Ancelotti au moment de fêter le titre de la saison 2012-2013. L'épisode de Reims aura terni leur relation, plus tôt dans la saison.

Crédit: Getty Images

Le résultat ne change rien au classement. Le PSG file vers le titre. Mais dans une salle annexe du stade, Nasser, impatient, sermonne Ancelotti comme un gamin de 12 ans, lui qui est déjà l’un des plus grands entraîneurs. Dès le lendemain, à l’entraînement, « Don Carlo » annonce qu’il partira à la fin de la saison. Ancelotti a d’ailleurs déclaré plus tard dans une interview à propos du PSG que leur problème, c’est de vouloir aller trop vite. L’argent peut acheter beaucoup de choses, mais pas l’expérience. Ils l’ont peut-être enfin compris.
Pourquoi le PSG l'aurait-il compris maintenant ?
F. V. : Ils me donnent l’impression de vouloir amener de la stabilité, de vouloir privilégier un modèle tourné vers l’Île-de-France avec leur superbe centre à Poissy. Ils ont une nouvelle figure qui a la tête sur les épaules : Warren Zaïre-Emery. Ils veulent se baser sur le gisement de joueurs que représente la région et des recrues internationales prêtes à se fondre dans un collectif. Les mercatos sont un peu plus intelligents, pas forcément pour grandir d’un point de vue marketing. Ils l'ont déjà gagnée, la Ligue des champions du marketing, et cela a pu leur porter préjudice. Je pense à Vitinha, moins bling-bling mais qui possède un bon état d’esprit, un sens de la cohésion. Et puis, ils ont un grand entraîneur au gros caractère qu’ils espèrent installer dans la durée (Luis Enrique, ndlr). L’année prochaine, c’est la première saison sans "mégastar" du calibre de Zlatan Ibrahimovic, Lionel Messi, Neymar ou Kylian Mbappé. Un peu comme si dans une certaine mesure, ils avaient appuyé sur le bouton "reset".
Les mercatos sont un peu plus intelligents, pas forcément pour grandir d’un point de vue marketing. Ils l'ont déjà gagnée, la Ligue des champions du marketing
Kylian Mbappé, justement, est parti au Real Madrid, après plusieurs années d’un feuilleton sans précédent qui a couvert le PSG de ridicule plusieurs fois. Est-ce que son cas n’illustre pas tout le problème d’un club au sein duquel on ne savait plus très bien qui détenait réellement le pouvoir ?
F. V. : Bien sûr. Paris est un grand club, mais n’est pas une institution, comme peuvent l’être le Bayern Munich, le Real Madrid, comme a pu l’être le Barça. Maintenant, c’est ce qu’ils visent. Être une institution dont l’autorité ne peut plus être érodée. Elle l’a été, parfois aussi par Nasser, qui outrepassait l’autorité de l’entraîneur. Mbappé, avec d’autres, illustre le fait qu’à un moment donné, il était au-dessus de tout ça. Mais pourquoi ? Parce qu’on lui a donné les pleins pouvoirs. L’émir du Qatar s’était dit : le Barça a eu son Messi, le Real son Ronaldo, on aura notre Mbappé. Quelques mois avant la Coupe du monde au Qatar, en avril 2022, l’émir propose à la mère de Mbappé un contrat en or, et Mbappé prolonge en mai 2022 pour deux ans, plus un en option. Et le fait de ne plus pouvoir se centrer autour de Mbappé aujourd’hui, ça les contraint à changer de stratégie sportive puisque l’équipe avait été construite pour lui, autour de lui, ce qui les contraint aussi à changer de stratégie globale, au niveau du club.
Est-ce que c’était difficile de travailler sur le PSG ? Est-ce que vous vous attendiez, au début de votre enquête, à travailler sur autant d’affaires en même temps ?
F. V. : Avec Laurent, nous ne sommes pas journalistes sportifs même si j’adore le foot. On s’est rendu compte que c’était difficile de travailler comme journaliste sportif sur le PSG, parce que tout est cadenassé. Pour avoir des informations, c’est compliqué, vous avez un match à chroniquer. C’est toujours la même chose, à Paris comme ailleurs : "Si vous nous cherchez des noises, vous n’aurez plus d’infos." Pour nous, ça a donc été un avantage et un désavantage. Désavantage, parce qu’il a fallu aller chercher les sources : agents, joueurs, staff, on ne les connaissait pas. Mais ça a été aussi un avantage, parce qu’on a pu poser toutes les questions et aller jusqu’au bout.
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Warren Zaïre-Emery, nouvelle figure de proue du PSG, est sous contrat jusqu'en 2029.

Crédit: Getty Images

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