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Guerre en Ukraine | La Russie : exclue, mais toujours là

Philippe Auclair

Mis à jour 29/03/2023 à 14:58 GMT+2

Plus d'un an après l'invasion de son armée en Ukraine, la Russie s'exporte à de nouveaux horizons sportifs. Réprimée par la communauté occidentale, la sélection nationale de football a pourtant retrouvé les terrains pour des matches amicaux. Et son avenir sur l'échiquier international est loin d'être si flou ou bouché que cela, entre paradoxes et hypocrisie.

Daniil Khlusevich durant le match entre la Russie et l'Irak, le 26 mars 2023 à Saint-Pétersbourg

Crédit: Getty Images

Deux victoires, trois matches nuls, seulement deux buts encaissés. Ce n'est pas faramineux comme bilan, mais ce n'est pas honteux non plus. Et ce bilan, c'est celui de l'équipe nationale de Russie depuis que les troupes de Vladimir Poutine envahirent l'Ukraine le 24 février 2022.
Mais, direz-vous, la Russie n'a-t-elle pas été exclue de toutes les compétitions de l'UEFA et de la FIFA peu de temps après le début de "l'intervention militaire spéciale" des forces russes ? Et vous aurez raison. Pour commencer, la FIFA interdit presque immédiatement la tenue de tout match international officiel sur le territoire russe, et l'UEFA fit de même, retirant l'organisation de la finale de la Ligue des Champions 2022-23 à Saint-Pétersbourg. Vingt-quatre heures plus tard, le 28 février 2022, la Russie se voyait interdite de participer à la Coupe du Monde au Qatar, une décision entérinée le mois suivant par le Tribunal Arbitral du Sport.

Back to the USSR

Cela n'a pourtant pas empêché la sélection de Valéri Karpine d'aller disputer une série de matches amicaux face à des adversaires moins regardants depuis. Le Kirghizstan ouvrit le bal en septembre 2022. Le Tadjikistan et l'Ouzbékistan - tout ceci ressemble à une sorte de tournée des anciennes républiques asiatiques de l'Union Soviétique - prirent le relais deux mois plus tard. Et pendant que la France jouait contre les Pays-Bas et l'Irlande, la Russie, elle se mesurait à l'Iran à Téhéran et l'Irak à Saint-Pétersbourg.
Il s'agit évidemment de matches amicaux, des plus amicaux mêmes, disputés contre les équipes nationales de pays qui entretiennent des liens diplomatiques étroits avec Moscou. Et, dans le cas de l'Iran, lui prodiguent une aide militaire directe, sous la forme des drones Shahed 129 et 136 qui sillonnent par centaines le ciel ukrainien.
C'est que ni l'UEFA ni la FIFA ne sont en mesure d'empêcher que de telles rencontres soient organisées, même si leur statut est incertain. Les buts inscrits par Anton Mirantchuk et Sergeï Pinyanyev dans la victoire 2-0 sur les Irakiens seront-ils comptabilisés par la FIFA, par exemple ? Personne ne semble le savoir. Ce qu'on sait, c'est qu'aucune sanction ne sera prise contre ces fédérations qui acceptèrent d'aligner leurs sélections 'A' face au supposé paria du football européen et mondial. Les Ukrainiens, eux, ont décidé de répondre par le mépris.
"Ces pays qui jouent contre la Russie, un agresseur, soutiennent l'agression russe et ce que la Russie est en train de faire à l'Ukraine", déclara le sélectionneur intérimaire de la sélection ukrainienne Ruslan Rotan avant son match contre l'Angleterre à Wembley. "Nous n'avons pas besoin de penser à ces pays, nous n'avons pas à leur prêter attention. Ils n'en valent pas la peine. Au final, oublions la Russie".

Les soldats vers l'Europe, les crampons vers l'Asie

On remarquera que ces adversaires avaient un point commun en sus des liens privilégiés que leurs régimes entretiennent avec celui de Vladimir Poutine : tous sont membres de l'AFC, la Confédération asiatique de football, et ce n'est pas par hasard.
Comme son vice-secrétaire général Denis Rogatchev l'a reconnu, l'Union Russe de Football évalue la possibilité de quitter l'UEFA pour rejoindre la confédération présidée par le Barheini Cheikh Salman bin Khalifa, adversaire malheureux de Gianni Infantino lors des élections présidentielles de la FIFA de 2016, du temps où le chef de l'instance suprême du football mondial n'était pas couronné par acclamations comme fut le cas lors des Congrès de Paris en juin 2019 et de Kigali le 16 de ce mois.
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La sélection nationale russe de football avant un match amical contre l'Irak le 26 mars 2023, le premier disputé sur son sol depuis le début de l'invasion de l'Ukraine

Crédit: Getty Images

L'affaire pourrait s'engager plus mal pour la Russie, qui devrait participer au mois de juin à sa première compétition internationale depuis l'invasion, la Coupe de l'Association de Football d'Asie Centrale, ou CAFA. Elle y retrouvera quatre des nations qui ont joué contre elle en 2022 et 2023, à savoir l'Iran, le Kirghizstan, l'Ouzbékistan et le Tadjikistan, plus le Turkménistan et l'Afghanistan. Ce serait le premier pas concret dans le long cheminement d'une intégration dans l'AFC, une hypothèse qu'on se garde bien de commenter en public du côté de Nyon et de Zurich pour le moment. On imagine en effet la pagaille que cela causerait au sein de la FIFA, en particulier.

Fébrile statu quo

Que faire, en effet, si l'AFC accueillait la Russie en son sein et l'invitait à participer aux éliminatoires de la Coupe du Monde de 2026 et à sa compétition-phare, la Coupe d'Asie des Nations, dont l'édition de 2027 sera organisée en Arabie Saoudite ? Qu'en penseraient trois des locomotives du football asiatique, la Corée, le Japon et l'Australie, dont les gouvernements ont condamné l'invasion de l'Ukraine et mis en place des sanctions comparables à celles prises par les pays-membres de l'OTAN contre les autorités russes ?
Si l'UEFA ne serait peut-être pas fâchée d'être débarrassée d'un membre aussi encombrant que la Russie, la FIFA, elle, se retrouverait empêtrée dans une situation presque impossible à négocier sans causer de profonds remous, voire de vraies fractures, au sein de l'organisation.
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Le président russe Vladimir Poutine et celui de la FIFA, Gianni Infantino, lors de la remise de la médaille de l'Ordre de l'Amitié du premier au second, le 23 mai 2019

Crédit: Getty Images

C'est que la Russie a beau avoir été sanctionnée, et exclue, aussi invraisemblable que cela paraisse, elle n'a pas été suspendue par la FIFA pour autant. La Fédération de Gianni Infantino n'a pourtant pas pour habitude de prendre des gants avec ces associations nationales qui ne marchent pas droit, et notamment celles dans lesquelles elle devine ou croit deviner des 'interférences' du pouvoir en place dans les affaires du football.
La fédération russe était bien présente au Congrès de Kigali. La Russie prit bien part au vote qui confirmèrent les suspensions de deux associations-membres, le Zimbabwe et le Sri Lanka. Les délégués russes étaient de ceux qui se levèrent et offrirent un nouveau mandat à Gianni Infantino en frappant dans leurs mains. La Russie demeure un membre à part presque entière de la FIFA.
Et Gianni Infantino n'a toujours pas renvoyé la médaille de l'Ordre de l'Amitié que Vladimir Poutine avait épinglée au revers de sa veste en mai 2019, dans un salon d'honneur du Kremlin.
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