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L'Euro 2024 et la crainte que le football se meure

Julien Pereira

Mis à jour 28/06/2024 à 01:37 GMT+2

Les folles victoires de la Géorgie et de la Turquie, mercredi soir, ont mis un terme à une phase de groupes parfois plaisante par ses scénarios mais souvent décevante par le jeu. Sans surprise, l'Euro 2024 souffre d'un football de sélections appauvri par l'augmentation des matches et la réduction du temps accordé pour les préparer. Et le format à 24 équipes est toujours un nivellement par le bas.

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Il y avait eu ce match d'ouverture plaisant et spectaculaire. Il y avait eu, aussi, dans les jours qui ont suivi, une ribambelle de buts franchement réjouissants, à tel point que l'on aurait pu, dès la première semaine, établir un joli Top 10 des plus belles réalisations de cette compétition. Bref, il y avait de l'enthousiasme, et l'envie de croire que le football de sélections pourrait résister à tout, éternellement. Maintenant que la phase de groupes est (enfin) derrière nous, il reste ce petit goût amer. Et, de nouveau, une pointe d'inquiétude.
D'un point de vue strictement footballistique, cet Euro 2024 est, pour le moment, d'une pauvreté affligeante mais certainement pas surprenante. Là, sous nos yeux, s'écrit le résultat de différentes tendances plus ou moins choisies, plus ou moins anticipées, mais presque toujours guidées par de mauvaises raisons.
Le premier constat est aussi le plus évident : les joueurs sont exténués. Ce sont eux-mêmes qui le disent - Antoine Griezmann a évoqué le sujet en conférence de presse - et ce sont, principalement, les grandes nations du foot qui en souffrent. Parce que leurs effectifs sont essentiellement constitués d'éléments évoluant dans les plus grands championnats, et dans les clubs disputant les plus grandes compétitions jusqu'au bout, l'Euro est, pour eux, un supplément indigeste.

L'Euro à 24 et le nivellement par le bas

Il ne devrait pas n'être que ça, mais c'est ainsi que l'ont décidé les hautes instances du football. Avec des calendriers totalement surchargés, les préparations d'avant-compétition n'en sont plus vraiment. Les Bleus, par exemple, n'ont eu qu'une dizaine de jours pour appréhender le rendez-vous et trois ont été pleinement consacrés à une préparation physique musclée pour tenter de remédier à l'irrémédiable.
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Tant mieux pour les outsiders ou les petits poucets, diront certains, sans y voir qu'il s'agit là d'un nivellement par le bas. Rappelons, d'ailleurs, que la présence de certaines de ces équipes n'est due qu'à un élargissement de l'Euro, passé de 16 à 24 participants depuis l'édition 2016 dans l'unique but de générer plus de matches, donc plus de recettes publicitaires et de diffusion pour l'UEFA.
Ces nations n'y sont pour rien et il n'est certainement pas question de leur reprocher leur présence. Ni même les armes avec lesquelles elles luttent : schématiquement, des blocs bas fermés à double ou triple tour en attendant des failles pour procéder en contre. Tout en sachant qu'avec le format actuel, trois matches nuls en phase de groupes peuvent suffire pour rallier les huitièmes.
Entendons-nous bien : la recette est vieille comme le monde, elle existe, et c'est tant mieux, puisqu'elle demeure le meilleur moyen de bousculer, voire de renverser les géants. Mais à la différence des grands clubs, les grandes nations n'ont tout simplement plus le temps de trouver la parade, ou de mettre en place les différents ressorts tactiques qu'il faut pour contourner le problème.

Plus de difficultés à tirer...

Cela nous précipite vers une stérilisation du jeu, comme l'avait constaté à demi-mot Arsène Wenger, chef du développement du foot à la FIFA, en plein milieu de la Coupe du monde au Qatar : "les équipes bloquent le centre du terrain et ouvrent un peu plus sur les côtés". "Nous observons une tendance à ce que la compacité de toutes les équipes dans une configuration défensive soit tellement concentrée sur la zone médiane qu'il est vraiment très difficile pour les équipes de percer au milieu et de tirer au but à 20 ou 25 mètres", avait ajouté Jurgen Klinsmann, alors membre du groupe d'étude technique de l'instance.
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Conséquence directe : les favoris tirent "plus mal". L'Angleterre n'a cadré que 34,5% de ses frappes. Le Portugal ? 30,2%. Les Bleus ? 27,7%. À ce petit jeu, ce sont l'Autriche, la Suisse, la Tchéquie, la Roumanie et la Croatie qui forment le Top 5, avec des taux proches ou supérieurs à 40 voire 50%. Pas une coïncidence.
À cela s'ajoute une tendance qui, elle, n'est pas vraiment à imputer aux instances, mais plutôt à l'idéalisation d'une seule manière de jouer. Un peu partout en Europe, le guardiolisme a fait éclore une obsession de la possession, sans que cet ingrédient ne soit malheureusement accompagné de tous ceux qui ont aussi fait les succès de l'entraîneur espagnol.
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... et à dribbler

Là aussi, le constat avait déjà été dressé lors du précédent grand tournoi : "En Europe, il y a eu une tendance au cours des dix dernières années à éduquer nos jeunes joueurs selon une philosophie très rapide, à une ou deux touches, observait Klinsmann. Faites circuler le ballon rapidement, éloignez-vous-en et gardez la possession. Tous ces objectifs enlèvent un peu la capacité des joueurs à affronter les un contre un."
Et puisque le jeu se déroule désormais sur les ailes, on assiste à une forme d'improductivité de la part des nations les plus fortes. Sur l'ensemble de l'Euro 2021, seules trois équipes avaient réussi moins de la moitié des dribbles qu'elles ont tentés (Hongrie, Slovaquie et... Allemagne). Depuis le début de l'Euro 2024, seule quatre équipes ont réussi plus de la moitié des dribbles qu'elles ont tentés (Ukraine, Croatie, Italie, Serbie). Provoquer ne paie plus.
Durant la phase de groupes, un tiers des buts ont été inscrits sur des coups de pied arrêtés (et après certains penalties généreusement accordés par le VAR) ainsi que par des défenseurs adverses poussés à la faute par le siège de leur surface
Alors, l'Euro vaut-il encore le coup d'être regardé ? Oui, et pour au moins deux raisons. D'abord parce que le début des huitièmes de finale marque aussi la fin des petits calculs d'épiciers. Ensuite parce que le foot n'est, heureusement, pas qu'une affaire de jeu mais aussi de passion, de retournements de situation et d'émotions. Et sur ces plans, la France, qui a vécu la plus grande finale de l'histoire de la Coupe du monde après 60 minutes de néant, et la Géorgie, héroïque face au Portugal mercredi soir pour accéder aux huitièmes de finale pour la première fois, sont logées à la même enseigne.
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