France - Belgique - Bleus - "Mike leur rentre dans la tête" : La fin de la malédiction des tirs au but pour les Bleus ?

Deux Coupes du monde et un quart de finale de l'Euro. Voilà ce qu'ont coûté les séances de tirs au but au football français depuis 18 ans. Trois séances, trois défaites et trois des plus gros traumatismes de la grande histoire des Bleus. A force, ce n'est plus une loterie, un coup du sort ou de la malchance. Mais un vrai mal aux racines profondes et auquel il convient de s'attaquer. Le sujet est délicat au sein de la FFF. En mars, Didier Deschamps a dû recadrer publiquement son DTN, Hubert Fournier, qui avait annoncé un plan pour améliorer les performances des équipes de France dans l'exercice.

Jusqu'ici, c'est Hugo Lloris qui était en charge de faire trembler les tireurs adverses. Il n'a arrêté aucune des neuf tentatives face à la Suisse en 2021 ou l'Argentine trois ans plus tard. L'immense gardien de l'équipe de France a avoué ses limites dans l'exercice en 2019 : "Je pense que le plus dur, c'est de rester simple dans sa démarche. Il y a des gardiens qui y parviennent très bien, et moi, ce n'est pas le cas, reconnaissait-il dans les colonnes de L'Equipe. Certains tireurs attendent le moindre mouvement du gardien, et le tout dernier moment. J'aimerais retarder un peu plus la décision du tireur, en général."

En moyenne, selon une étude de 2019, un gardien arrête 17,5% de penalties ou tirs au but en séance. Sur toute sa carrière, et en ôtant de son bilan les penalties non cadrés, le pourcentage de Lloris plafonne à 9,6% (10 arrêtés sur 104 tentatives cadrées). "Tirer un penalty à l'entraînement, pendant le match ou au bout aux tirs au but ce n'est pas pareil, analysait Didier Deschamps en mars. (…) Évidemment que ça se prépare, les analystes vidéo, les entraîneurs des gardiens analysent tout, qui tire où, mais tu peux changer ta façon de tirer aussi. (…) C'est un rapport de force entre le tireur et le gardien de but."

Bonne nouvelle pour les Bleus, une partie de l'équation a changé en leur faveur et ce rapport de force s'est inversé alors que les 8es de finale et l'angoisse d'une nouvelle séance de tirs au but face à la Belgique se dressent sur leur chemin. Mike Maignan est un vrai spécialiste avec 22% de réussite (14 arrêts sur 64 tentatives) et des arrêts face à des cadors tels que Memphis Depay, Mohamed Salah ou Radamel Falcao. Depuis ses débuts en Ligue 1, l'ancien Lillois excelle. S'il n'a plus disputé de séance de tirs au but depuis 2017, Maignan avait ce jour-là, lors du 3e tour de Coupe de la Ligue, stoppé 3 des 7 tentatives de Valenciennes.

Comment expliquer sa réussite ? "D'abord parce qu'il aime ça, c'est un vrai compétiteur, note Christophe Revel, ancien entraîneur des gardiens du LOSC, de l'OL et aujourd'hui à Brest. Quand il se met dans le but, il a un body language de compétiteur. Quand il s'engage dans ce duel, il n'y va pas en claquettes." Face à Robert Lewandowski mardi dernier, il s'est approché du Polonais pour provoquer quasiment un corps-à-corps. Il a réussi à stopper la première tentative avant de s'incliner sur la seconde d'un maître en la matière.

Eric Allibert connaît parfait le gardien de l'équipe de France puisqu'il l'a entraîné de 2019 à 2021 à Lille. Il en a fait un champion de France. Et, pour lui aussi, la principale qualité de Maignan dans l'exercice reste la bataille mentale. "Observez son regard, il est habité, explique l'actuel entraîneur des gardiens de Toulouse. C'est impressionnant la façon dont il aborde cette phase de jeu. Il rentre dans la tête du tireur." A cette confiance en lui s'ajoutent des dispositions physiques exceptionnelles : "Son autre grande force, c'est qu'il part vraiment au dernier moment, continue Allibert. Il compense alors par sa force et son explosivité exceptionnelles qui lui permettent de retarder sa poussée et sa prise d'appui. Les tireurs lèvent la tête, ne le voient pas partir alors forcément, ça les déstabilise."

"Méticuleux, très structuré", Maignan consomme énormément de matches et analyse ce que proposent les attaquants qu'il sera amené à affronter. Il n'est pas, comme un Fabien Barthez, léger dans la préparation des séances de tirs au but. "Aujourd'hui, sa réputation est faite, conclut Revel. C'est comme pour Yassine Bounou. Quand les tireurs s'avancent face à Mike ou Bounou, ils savent qu'il y a des chances que le gardien touche au moins le ballon. Ça crée une forme de pression psychologique supplémentaire."

Voilà pourquoi les adversaires des Bleus n'auront sans doute plus la même confiance au moment d'aborder les séances de tirs au but d'autant que Maignan signe un début de tournoi excellent. "Il est très bien, solide, sobre, note Christophe Lollichon, ancien entraîneur des gardiens de Chelsea aujourd'hui à Dunkerque. On a l'impression qu'il ne peut rien lui arriver tant il prend de la place dans le but. C'est du très haut niveau." Et si cet Euro marquait la fin de la malédiction des Bleus ?