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Euro 2024 - Angleterre - L'énigme Phil Foden

Philippe Auclair

Mis à jour 20/06/2024 à 16:07 GMT+2

Phil Foden a été bien discret avec l'Angleterre, lors du premier match des Anglais à l'Euro face à la Serbie. Le problème, c'est que ce n'est pas une exception pour la star de Manchester City. Avec les Three Lions, celui qui a été élu meilleur joueur de la Premier League n'est souvent que l'ombre du joueur de City.

Phil Foden runs past Serbia's midfielder #06 Nemanja Gudelj during the UEFA Euro 2024

Crédit: Eurosport

Les choses avaient pourtant plutôt bien commencé pour Phil Foden face à la Serbie. Libre de se déplacer sur le front de l'attaque au gré de son instinct, on l'avait vu passer d'un flanc à l'autre, décrocher pour combiner avec, en particulier, Jude Bellingham, bref, assumer un rôle quasi identique à celui que Pep Guardiola lui a confié à Manchester City. Mais l'embellie ne dura pas. Plus les minutes passaient, moins Foden participait au jeu; et quand il y participait, c'était sans l'influencer comme on a pris l'habitude de le voir faire à l'Etihad. Timide, emprunté, brouillon, même, le Footballeur de l'Année 2024 n'avait rien montré qui justifiât les adjectifs hyperboliques dont la presse britannique se sert habituellement pour décrire son jeu.
Ce n'était pas la première fois que Phil Foden s'était montré si discret avec l'Angleterre. En fait, de ses trente-cinq matches avec les Three Lions, on serait en peine d'en citer un dans lequel il ait eu l'impact qu'on est en droit d'espérer de lui. Un bilan de quatre buts - dont un seul fut marqué lors d'un grand tournoi (*) - et huit passes décisives est largement en deçà de celui qu'il affiche pour son club, pour lequel il avait tourné au rythme plus que satisfaisant d'un but toutes les trois rencontres en Premier League de 2020 à 2023 avant d'exploser lors de la saison qui vient de s'achever, qu'il finit avec 27 réalisations en 53 apparitions sur le terrain.
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Phil Foden avec Kobbie Mainoo à l'échauffement

Crédit: Getty Images

Pourquoi une telle différence entre le Foden de City et celui des Three Lions ?

Le contraste entre ces deux versions du même joueur s'explique difficilement, encore que les commentateurs britanniques ne se privent pas d'y aller de leurs théories - et de leurs suggestions - depuis longtemps déjà. Néanmoins, aucune ne convainc vraiment.
La fatigue? Certes, Foden, avec 4279 minutes de jeu effectif en 2023-24 pour Manchester City, a passé plus de temps sur l'aire de jeu que quelque autre de ses coéquipiers, Saka, Kane, Bellingham et ce stakhanoviste de Declan Rice y compris; mais la situation était toute autre lors des trois saisons précédentes, quand Foden n'était pas encore l'indiscutable titulaire qu'il est devenu pour Guardiola, et avait disputé l'équivalent de treize (!) matches de moins en moyenne par an. Avait-il été alors plus brillant pour l'Angleterre? Non.
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Phil Foden avec Bukayo Saka et Harry Kane

Crédit: Getty Images

Et pourtant, Southgate ne s'en passe pas

Ce n'est pas non plus une différence fondamentale de positionnement dans le contexte de la sélection qui affecterait le rendement d'un joueur dont l'une des plus grandes vertus est sa versatilité. Si lui-même dit se sentir le plus à l'aise dans l'axe, cela ne signifie pas que Pep Guardiola lui donne satisfaction à City pour autant. En fait, c'est souvent depuis le côté droit que Foden a eu le plus gros impact pour son club lors des douze derniers mois - alors que c'était le plus souvent sur le flanc opposé qu'il était aligné auparavant. Southgate ne l'emploie pas différemment, et lui donna même les clés du jeu en le positionnant en numéro 10 lors du dernier match de préparation des Anglais avant cet Euro. Le résultat fut une prestation catastrophique, tant du point de vue individuel que collectif, et une défaite 1-0 contre l'Islande à Wembley.
Southgate ne l'emploie pas moins non plus, ce qui pourrait surprendre au vu de la pâleur des performances du joueur pour la sélection et de la féroce concurrence aux postes qu'il est susceptible d'occuper en équipe d'Angleterre. Hormis une mise au repos pour la victoire sur la Bosnie au début de ce mois, il a disputé tous les matches de Three Lions - et dans leur intégralité, sans jamais être remplacé - depuis le succès 3-1 sur l'Italie qui assura la présence des Anglais à l'Euro en octobre 2023.

Il n'a pas les automatismes mis en place à City

Le contexte est certes autre. La capacité de Foden à évoluer dans des zones de jeu différentes et à remplir les rôles que ces positionnements distincts exigent de lui sans perdre de son efficacité fait de lui un footballeur guardiolien par excellence, un interprète idéal des rôles imaginés par son entraîneur. Les impératifs de la fonction de Southgate l'empêcheraient de toute façon de calquer l'approche de Guardiola. Chercherait-il à le faire qu'il échouerait, pour la simple raison qu'il ne dispose pas du temps nécessaire pour répéter les automatismes mis en place à City par l'entraîneur catalan.
De la même façon qu'un jazzman doit répéter ses gammes et ses modes plusieurs heures chaque jour pour être capable d'improviser et donner l'illusion d'une totale liberté dans l'acte créatif, un footballeur doit remettre l'ouvrage au métier à chaque entraînement pour trouver le langage dans lequel il pourra communiquer avec ses partenaires; et dans ce domaine, avec l'Angleterre, Foden semble toujours avoir besoin d'un dictionnaire.
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Phil Foden en 2022 avec l'Angleterre

Crédit: Getty Images

Il se cherche toujours en sélection

Ce problème n'affecte pas un Kane, un Bellingham ou un Saka. Affaire de personnalité, sans doute, mais aussi conséquence des responsabilités que leur confie Southgate. Saka, par exemple, a une mission d'une clarté limpide: coller à sa ligne de touche, donner le tournis aux défenseurs placés sur son flanc par sa vitesse et sa conduite de balle, repiquer à l'intérieur et placer ces frappes enroulées du gauche que connaissent at apprécient tous les supporters d'Arsenal. L'ordre de mission de Foden est d'un autre type et ne peut se résumer en quelques consignes.
Tout ce que Southgate lui demande est d'être lui-même. Mais, à la différence de Bellingham, qui est incapable d'être autre chose, Foden parait habité d'un doute existentiel à cet égard. A Manchester City, dont la supériorité écrasante sur 95 % de ses adversaires facilite tout de même rudement les choses, la question ne se pose même plus pour lui; avec l'Angleterre, il se cherche toujours. Il parait même incertain de ce qu'il espère trouver.
Voilà sans doute ce qui explique la fidélité de Southgate en ce qui le concerne: l'espoir d'un déclic qui mettra fin au questionnement. Mais ce qui le provoquera, on l'ignore. En attendant, l'Angleterre devra continuer de vivre avec une énigme.
(*) C'était lors de la victoire 3-0 des Anglais sur le Pays de Galles en phase de poule de la Coupe du Monde de 2022.
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