Tour de France I Sans Alaphilippe et Pinot : Gaudu, Bardet, Lapeira... qui pour faire chavirer les cœurs français ?

Le Tour se nourrit aussi de ça. De la ferveur de son public pour les coureurs de manière générale, et de celle des supporters français pour les cyclistes tricolores en particulier. L'édition 2024 n'échappera pas à la règle mais il y a du nouveau. La quête d'une nouvelle coqueluche made in France débutera samedi à Florence. Ce ne sera pas Thibaut Pinot, parti à la retraite au terme d'une dernière saison dans le peloton qui a permis de vérifier son incroyable cote de popularité. Ni Julian Alaphilippe, non retenu par la Soudal Quick-Step et tourné vers un autre objectif, les Jeux Olympiques.

"Ce sont deux coureurs qui ont marqué l'histoire du Tour, il y a eu un fort engouement autour d'eux, résume David Moncoutié, double vainqueur d'étape sur l'épreuve (2004 et 2005) et consultant pour Eurosport. Mais on a toujours des révélations, des coureurs qui peuvent devenir le "chouchou" d'un Tour." Difficile d'attendre un rival à Tadej Pogacar ou Jonas Vingegaard dans la course au maillot jaune. "C'est vrai que quand on regarde globalement le début de saison des coureurs français, je pense qu'ils seront plutôt là dans un rôle de chasseur d'étape", avance Moncoutié. Il y a des candidats.

Il est lui aussi l'un des coureurs français qui ont marqué le Tour ces dernières années. Trois fois vainqueur d'étape, troisième du classement général en 2017, maillot à pois en 2019, le coureur de la DSM-firmenich PostNL participe pour la dernière fois à la Grande Boucle avant de prendre sa retraite en juin 2025. A défaut d'avoir levé les bras cette saison, il a signé quelques beaux coups d'éclat, notamment sa deuxième place sur Liège-Bastogne-Liège et une autre deuxième place à Bocca della Selva sur le Giro. Alors, pourquoi pas un baroud d'honneur sur le Tour à 33 ans ?

"Le Tour de France, il va le prendre pour jouer les étapes. On sait que c'est un très bon coureur, et il est encore capable de faire de très belles choses en montagne dans un rôle de chasseur d'étape. Il peut aller chercher une belle victoire en montagne. Sur le plat c'est terminé, les échappées qui vont au bout, c'est en moyenne et en haute montagne. Il fait partie de ces coureurs-là."

Tirer son épingle du jeu sur le Tour, il sait faire. David Gaudu l'avait prouvé en prenant la quatrième place du classement général en 2022. Le leader de la Groupama FDJ s'était fait un peu plus discret en 2023 (9e) et sort d'une première partie de saison sans relief malgré une victoire sur le Tour du Jura. Il a terminé 14e du Tour de Romandie et 15e du Critérium du Dauphiné. Son état de forme reste une inconnue et l'addition de Lenny Martinez à l'équipe de Marc Madiot sur ce Tour laisse planer un doute sur les ambitions de Gaudu au général.

"Jusqu'à présent, l'année ne s'est pas passée comme il le souhaitait mais il a déjà fait 4e d'un Tour donc à partir de là, on l'attend toujours pour le classement général. On peut toujours attendre une bonne surprise. L'année où il fait quatrième du Tour, il n'avait pas réalisé un super Dauphiné. Je pense qu'il doit espérer au fond de lui mais il n'a aucune certitude."

C'est la surprise du chef. Initialement annoncé absent sur le Tour de France et prévu sur la Vuelta, le prodige du cyclisme français a finalement été intégré dans l'équipe de la Groupama-FDJ pour la Grande Boucle. Malgré une baisse de régime sur le Tour de Suisse, il est certainement le coureur tricolore le plus en verve depuis le début de la saison avec cinq succès (Classic Var, Trofeo Laigueglia, Classic Grand Besançon Doubs, Tour du Doubs, Mercan'Tour) et des résultats marquants sur des épreuves World Tour (8e des Strade Bianche, 7e du Tour de Catalogne, 8e du Tour de Romandie). Il est jeune et talentueux. Tout pour plaire au public.

"Lenny Martinez n'était pas prévu de longue date sur le Tour puisqu'il devait faire la Vuelta. Il sera donc là avant tout pour jouer une victoire d'étape en montagne sans ambition pour le classement général. Il fait partie des très bons grimpeurs du peloton, il l'a démontré cette année et c'est donc un vrai atout pour la Groupama-FDJ pour chasser une étape en montagne d'autant plus qu'il règne pas mal d'incertitudes sur la capacité de Gaudu pour jouer un bon classement général."

Il a des références sur les grands tours après une 8e place sur le Tour de France en 2021 et une 9e sur la Vuelta la même année. Vainqueur du classement des meilleurs grimpeurs sur la Vuelta en 2020, encore dans le Top 10 sur la Grande Boucle l'an dernier (10e), le grimpeur de la Cofidis a des aptitudes indéniables en montagne. Il connaît une année 2024 assez anonyme jusqu'ici et n'a pas vraiment brillé sur le Critérium du Dauphiné (19e au classement général). Mais il est le type de coureurs que le Tour et son public peuvent galvaniser.

"Guillaume Martin, on sait qu'il aime bien jouer le classement général, mais au bout d'un moment il faudra peut-être changer son fusil d'épaule. Moi ce que j'attends de lui et des coureurs français, c'est qu'ils se montrent à l'avant, qu'ils soient offensifs parce qu'on sait que face aux grosses armadas étrangères, c'est compliqué de lutter au classement général."

C'est l'un des plus grands espoirs du cyclisme français, et l'un des coureurs tricolores les plus convaincants de la première moitié de saison en World Tour (10e de Tirreno-Adriatico, 8e du Tour du Pays basque, 2e de la Flèche wallonne). A 23 ans, le coureur d'Arkéa-B&B Hôtels ne dispute que son deuxième grand tour après la Vuelta l'an passé, et son premier Tour de France. Il reste sur une grosse frustration, celle d'avoir perdu le titre de champion de France du contre-la-montre au profit de Bruno Armirail pour trois petites secondes. Mais sa course a montré qu'il était en forme.

"On sait que c'est un talent, un coureur complet, bon en contre-la-montre, qui passe bien la montagne, plutôt puncheur aussi… Et jeune coureur, donc normalement il y aura une progression. Il marche plutôt bien, il va aborder ce Tour avec beaucoup de confiance, mais on ne sait pas encore si c'est un coureur de trois semaines avec un niveau aussi relevé que le Tour."

Et si ce n'était pas un coureur qui venait à passionner les Français sur ce Tour, mais une équipe ? La Décathlon-AG2R La Mondiale a le profil de l'emploi. La formation de Vincent Lavenu est 3e au nombre de victoires en 2024 (26) et se veut très ambitieuse. Elle vise un Top 5 au classement général avec l'Autrichien Felix Gall (8e l'an passé) et au moins une victoire d'étape. Et elle aura deux maillots bleu-blanc-rouge pour faire rêver les foules, sur le chrono avec Bruno Armirail et sur les étapes en ligne avec Paul Lapeira.

"Ils ont des cartes intéressantes comme Paul Lapeira ou Dorian Godon. C'est l'équipe française qui a marqué le début de saison, avec un très gros collectif. Bien sûr, il faut briller sur le Tour, c'est important pour toutes les équipes et notamment pour celle-ci. Maintenant, s'il se loupent, on dira quand même qu'ils ont réussi le début de saison par rapport à certaines équipes qui n'ont pas trop marché et qui peuvent sauver une saison sur un Tour de France."

Il y a ceux qu'on attend peut-être un peu moins et cela peut jouer en leur faveur. Bryan Coquard (Cofidis) reste sur une victoire d'étape sur le Tour de Suisse et aura sa carte à jouer sur les sprints. Valentin Madouas et Romain Grégoire (Groupama-FDJ) peuvent briller sur une échappée, comme Warren Barguil (DSM-Firmenich PostNL). Et la TotalEnergies, invitée, aura à cœur de se montrer avec notamment Mathieu Burgaudeau et Anthony Turgis. L'équipe de Jean-René Bernaudeau sait écrire les belles histoires françaises du Tour. Vingt ans après l'épopée en jaune de Thomas Voeckler, elle tentera de le confirmer.

"J'espère qu'on aura un bon coureur, une révélation, un coureur qui va en chercher une sur une journée. Si j'en vois un en particulier ? Justement, j'aimerais être surpris. Un coureur qu'on n'attend pas et c'est son jour. L'année où je gagne une étape du Tour, on m'attendait un peu parce que c'était dans mon département… Voilà, on a parfois eu de belles histoires même si sur le Tour, ce ne sont pas des coureurs qui sortent de nulle part. Mais on a parfois de belles révélations."