Tour de France : Décathlon-AG2R, l'ambition poussée à fond

"Un Top 5 au classement général" et "au moins une victoire d'étape". Vincent Lavenu n'y est pas allé par quatre chemins lundi au moment de devancer les questions des médias pour exprimer les objectifs de Décathlon-AG2R La Mondiale pour le Tour de France. Les ambitions sont élevées ? Normal. Son équipe est la troisième force du World Tour cette année avec 26 victoires. Elle a aussi réalisé cette performance sur le premier grand tour de la saison, avec la quatrième place de Ben O'Connor au classement général et les victoires d'étape de Valentin Paret-Peintre et d'Andrea Vendrame. C'est compliqué de viser moins haut sur la Grande Boucle.

En plus, le Tour réussit bien aux hommes de Vincent Lavenu. Il y a dix ans, son équipe avait placé deux coureurs dans le Top 6 avec Jean-Christophe Péraud (2e) et Romain Bardet (6e). Depuis Bardet (2e en 2016 puis 3e en 2017) et Ben O'Connor (4e en 2021) ont confirmé la capacité des Savoyards à placer régulièrement un coureur dans le Top 5 de la Grande Boucle. Quasiment une année sur deux depuis 2014. "Un bon classement général, ça fait partie de notre ADN", soulignait lundi Vincent Lavenu, dont la formation a également glané 9 victoires d'étape sur les dix dernières années.

Son équipe a l'habitude de briller sur le Tour et elle y va avec de solides arguments cette année. Felix Gall a pris la 8e place du classement général l'an dernier et l'Autrichien de 26 ans le potentiel pour gratter trois places et atteindre l'objectif fixé par son équipe. Sam Bennett est un sprinter expérimenté du haut de ses 33 ans. Et de réputation mondiale après avoir totalisé 67 victoires en carrière jusqu'ici. Paul Lapeira et Dorian Godon sont clairement capables de lever les bras au bout d'une échappée. Et Bruno Armirail a confirmé qu'il était un atout majeur sur le contre-la-montre en remportant le chrono des championnats de France. Sur le papier, Décathlon-AG2R La Mondiale a les moyens d'être compétitif sur tous les tableaux.

Trop de tableaux ? C'est justement la question qui se pose avant le départ samedi à Florence. Les ambitions au classement général passent par Gall, un coureur qui a prouvé son potentiel la saison passée quand l'attention était portée sur Ben O'Connor. Cette fois, il est le leader désigné et ça change la donne. "C'est un peu nouveau, c'est à nous de le rassurer et de le tranquilliser, de le mettre dans de bonnes dispositions pour ça mais on sait que sa classe nous permet d'espérer un Top 5 avec lui. Tous les voyants sont au vert pour penser que son classement général peut être à la hauteur de nos attentes", a affirmé Vincent Lavenu.

Gall a axé sa préparation sur le Tour en multipliant les stages et sa forme sur le Tour de Suisse (10e au général) a rassuré sa direction. Mais il y a cette inconnue par rapport à son nouveau statut. Et surtout une concurrence démentielle. Le Top 5 visé serait quand même un sacré exploit. O'Connor l'a réussi sur le Giro (4e) mais dans un contexte radicalement différent. La Visma I Lease a Bike était décimée, et Tadej Pogacar (UAE Emirates) a survolé l'épreuve sans avoir une formation aussi redoutable que sur le Tour. Avec João Almeida, Adam Yates, étincelants sur le Tour de Suisse et éventuellement Juan Ayuso, son équipe a une autre allure sur le Tour et pourrait raisonnablement placer deux hommes dans ce Top 5.

La Visma aussi avec Jonas Vingegaard, dont l'état de forme reste cependant une énigme, et Matteo Jorgenson. Primoz Roglic a gagné le Critérium du Dauphiné et visera le podium avec la Bora-Hansgrohe. Remco Evenepoel (Soudal Quick-Step) ou Carlos Rodriguez (INEOS Grenadiers), entre autres, revendiqueront aussi aussi un Top 5. Cela fait beaucoup de candidat bien entourés dans cette optique. Pour Gall, c'est un peu moins net. Vincent Lavenu compte notamment sur Nicolas Prodhomme pour accompagner Gall en montagne, mais l'Autrichien pourrait se retrouver un peu seul à l'heure des grandes explications. Gall a aussi moins de références que les mastondontes en contre-la-montre et il y en a deux au programme sur l'édition 2024.

Le Top 5 au classement général dans ces conditions, cela ressemble à un gros pari. Ce ne sera pas forcément beaucoup plus simple pour les victoires d'étape. Vincent Lavenu en est conscient. "On sait que tout le monde ne sera pas servi, a-t-il reconnu lundi. Quand vous enlevez les quatre ou cinq étapes que Tadej Pogacar risque de remporter, les quatre ou cinq victoires que les sprinters vont remporter et là on espère que Bennett fera partie des coureurs qui remporteront des étapes au sprint." L'Irlandais pourra s'appuyer sur Godon, Armirail, Naesen et Peters, mais cela pourrait être juste pour constituer un train complet. "On n'a pas de lanceur final, on y travaille pour l'année prochaine", a reconnu Vincent Lavenu, dont l'équipe n'est pas réputée pour sa culture du sprint.

Il y a cette impression que le curseur des objectifs a été poussé à fond par Décathlon-AG2R La Mondiale pour le Tour. Même si elle l'aborde aussi avec humilité. "On regarde les compos d'UAE, de la Visma, INEOS, Bora… On sait qu'on est face à des mastodontes du cyclisme, reconnaît le directeur général Dominique Serieys. Mais cette équipe, au-delà de ses talents individuels, a montré des valeurs collectives remarquable pour assumer ses ambitions par le passé de manière de générale, et cette saison en particulier. "Ce serait bête que cette année où on est si prolifique ne soit pas aussi bonne que les autres années", estime Vincent Lavenu. C'est tout l'enjeu qui attend les Savoyards sur ce Tour : se montrer à la hauteur de leurs grandes ambitions.