Tour de France 2024 | "Une véritable injustice" : Bardet aurait-il dû laisser le maillot jaune à Van den Broek ?

A les écouter, ils ne se sont même pas posé la question et, à vrai dire, nous non plus. Romain Bardet et Frank Van den Broek (DSM-Firmenich PostNL) ont tout donné jusqu'aux cent derniers mètres quand ils ont compris que non le peloton n'allait pas les avaler, que leur rêve allait bien se transformer en réalité. Celui de Bardet était un peu plus beau que celui de son coéquipier. S'ils ont fait le coup à deux, c'est le Français qui a remporté l'étape et pris le maillot jaune. Son coéquipier était-il le plus fort ? Méritait-il les honneurs ? Certains, aux Pays-Bas notamment, ont un avis sur la question.

Ancien coureur cycliste et désormais consultant pour NOS, la chaîne qui retransmet le Tour de France aux Pays-Bas, Stef Clement n'a pas apprécié l'issue finale. "Tout le monde a vu que Van den Broek était le plus fort, a-t-il tonné. Selon moi, c'est une véritable injustice, ce n'est pas comme ça aurait dû se passer". A l'évidence, l'ancien de Bouygues Telecom ou de la Lotto NL-Jumbo a en partie raison. Oui Frank Van den Broek semblait le plus "frais" du duo et l'exceptionnel résultat final doit beaucoup à son immense travail sur le plat dans le final.

"Il a été fantastique, a salué Romain Bardet. Il devrait porter la moitié d'un maillot jaune demain (aujourd'hui, ndlr)." La moitié, ou un peu plus ? "C'est une quatrième victoire d'étape pour Bardet. Ça ne changera plus sa carrière, a ajouté Clement en s'adressant à son jeune compatriote. Tu ne sais pas si tu auras à nouveau cette chance, alors que Bardet l'a eue et l'a saisie. Il va prendre une belle retraite. Et toi, tu aurais pu donner un méga coup de pouce à ta carrière aujourd'hui."

Dans le cyclisme, sport physique par excellence, le mérite prend souvent le dessus. Sauf évidemment quand il y a d'autres intérêts en jeu. "Ce n'est pas Romain Bardet qui a pris la décision, c'est la direction sportive, rappelle notre consultant Jacky Durand. Il a toujours rendu service à d'autres coureurs de l'équipe DSM. Frank Van den Broek est le jeune qui arrive. C'est plus intéressant pour DSM, pour les sponsors, d'avoir Romain Bardet, un coureur emblématique du Tour, en jaune."

Sur le Giro ou sur la Vuelta, le gamin néerlandais aurait peut-être été récompensé mais sur le Tour, Romain Bardet, jamais avare de travail pour les autres, est à la maison. Et si le coup n'aurait pu aller au bout sans le Néerlandais, l'inverse est aussi vrai, comme l'a rappelé le maillot jaune, notant qu'il avait senti un regain d'énergie chez Van den Broek quand il est revenu sur lui. Le Français a bien ressenti des crampes dans le final… mais son compère aussi, il l'a confié après l'arrivée.

"Je suis presque toujours d'accord avec Stef, mais cette fois-ci, je ne le suis vraiment pas, a répondu Tom Dumoulin, toujours sur NOS. Je suis d'accord avec Stef pour dire que Frank était plus fort que Bardet, mais je pense qu'il est tout à fait juste que Bardet prenne le maillot jaune". A aucun moment dans ses réactions d'après-étape, Frank Van den Broek n'a montré la moindre pointe de déception, ne préférant retenir que la folie d'un tel numéro à deux sur les routes du Tour de France. Une chose si rare, encore plus avec un tel résultat.

"Lors de la réunion, nous avons dit que Romain était notre leader et que s'il y avait plusieurs coureurs dans le groupe de tête, Romain serait le leader, a réglé Matt Winston, directeur sportif de DSM-Firmenich Post-NL. Nous avons le maillot jaune et Frank prend le blanc. Nous terminons premier et deuxième... Je pense que Frank est également très heureux." Peut-être ne le sera-t-il jamais aussi proche du maillot jaune, peut-être le regrettera-t-il dans 10 ans. Tout ceci est vrai mais samedi il n'était question que de don de soi.

"Nous n'avons pas vraiment discuté de qui devait gagner. C'est fantastique qu'il prenne le jaune pour son dernier Tour, jubilait Van den Broek. J'espère avoir beaucoup d'occasions de gagner une étape du Tour ou de prendre le maillot jaune à un moment ou à un autre. Il n'aurait pas pu y arriver sans moi, mais je n'aurais pas pu y arriver sans lui non plus". Bardet a quelques étapes sur le Tour et un an avant sa retraite pour lui rendre la faveur.