Tour de France 2024 | Le Tour du jour : Romain Bardet en jaune, un gros truc en plus

L'histoire a souvent été maligne avec Romain Bardet. Elle l'avait éjecté de son dernier Tour de France dans son équipe de toujours, AG2R-La Mondiale, sur une chute et une commotion cérébrale à deux pas de chez lui dans le Massif Central. Elle l'avait aussi contraint à l'abandon sans crier gare sur un Giro qu'il aurait pu remporter, en 2021. Il y a quelques semaines, le Français de 33 ans avait annoncé sa retraite prévue… pour le Critérium du Dauphiné 2025. Une sortie à son image qui faisait de ce Tour 2024 son dernier. Et voilà, un scénario aussi improbable qu'incroyable s'est mis en place.

Il y a quelques années que le leader des DSM-Firmenich PostNL assure qu'il n'a plus d'ambitions au classement général, qu'il veut simplement se faire plaisir, qu'il veut courir à l'instinct. Des années qu'il semble retenu par sa propre nature, ce fil invisible qui l'a souvent empêché de tout lâcher. A 50 kilomètres de l'arrivée de cette 1re étape vers Rimini, Romain Bardet a tout mis sur la route. Son coeur, ses jambes, ses tripes, son histoire personnelle aussi.

Lui le deuxième du Tour 2016, le troisième du Tour 2017, l'homme aux six Tops 10 sur la Grande Boucle a longtemps tout misé sur cette course qui avait tant à lui offrir et beaucoup à lui prendre aussi, mais jamais il n'a pu réellement croire au maillot jaune, ce Graal que lui-même semblait se refuser. Dimanche, à 33 printemps, onze ans après ses premiers tours de roue sur la Grande Boucle, il sera l'homme du jour, il sera le maillot jaune.

S'il fallait se convaincre que l'histoire de Romain Bardet est intimement liée au Tour de France, on notera que quatre de ses onze succès ont été acquis sur la plus grande course du monde. La première en 2015 pour sauver son Tour, la deuxième en 2016 pour aller chercher son premier podium, la troisième en 2017 à la pédale face aux meilleurs, la quatrième sept ans plus tard, au crépuscule d'une carrière à laquelle il manquait sans doute un ultime coup d'éclat, le voilà.

Avec 3 600 mètres de dénivelé, cette première étape n'était pas promise aux sprinteurs… sauf peut-être à Mads Pedersen (Lidl-Trek). Le Danois n'avait qu'un but de Florence à Rimini : être dans le groupe qui se joue la victoire et donc le premier maillot jaune. Il s'est arraché, a parfois été lâché mais est revenu.. tout ça pour voir un duo se disputer la victoire quelques hectomètres devant ce qu'il restait du peloton. Pedersen n'a même pas eu le cœur à tout mettre dans le sprint pour la 3e place et il a terminé 7e du jour.

En 2023, Mark Cavendish était passé à quelques centimètres de battre Jasper Philipsen et de remporter une 35e étape, record absolu sur le Tour de France. Le lendemain, il chutait et devait abandonner. Dès lors, il avait décidé de repousser la retraite de douze mois pour retenter sa chance. De chance, il n'en avait aucune sur cette 1re étape mais sa galère (il a coupé la ligne à plus de 39 minutes) fut l'image marquante de la journée.

Le sacrifice de Frank van den Broek. Sait-il si un jour, il se retrouvera si proche du maillot jaune ? A 23 ans, le jeune Néerlandais a évidemment toute sa carrière devant lui mais ce samedi sur la 1re étape, son travail pour Romain Bardet fut admirable de générosité. Le Français ne serait pas en jaune sans son coéquipier.

Les larmes de Warren Barguil pour son ami et coéquipier chez DSM-Firmenich, Romain Bardet. Les deux se sont découverts à l'occasion de l'arrivée du Breton dans l'équipe néerlandaise cet hiver. Ils se sont préparés ensemble, en stage et ailleurs. "Wawa" savait sans doute tout ce que Bardet avait sacrifié pour en arriver là.

La bagarre pour l'échappée puis la composition de celle-ci qui trahissaient la certitude chez les coureurs que sur cette étape, les fuyards avaient une vraie chance d'aller au bout.

La faillite des Groupama-FDJ. Bien sûr Valentin Madouas était devant et il s'est battu pour le maillot à pois, qu'il n'aura pas, bien sûr les ambitions au classement général étaient limitées, voire nulles au départ, mais enfin David Gaudu, Lenny Martinez et Romain Grégoire ont lâché bien tôt pour des coureurs qui voudraient nourrir des ambitions pendant trois semaines.

L'abandon de Michele Gazzoli évidemment. Le jeune italien découvrait les grands tours à l'occasion de cette 1re étape du Tour de France et il a déjà dû abandonner, victime de la chaleur.

Le final avant l'arrivée dans Rimini ! Le Tour de France nous a habitués à de somptueux décors, notamment quand il visite des pays étrangers mais jusqu'à trois kilomètres du but, les coureurs évoluaient sur une deux fois deux voies triste à mourir. Elle a d'ailleurs bien failli condamner Bardet.

Romain Bardet a peu gagné dans sa carrière, onze fois, et il a plus souvent été du côté du beau perdant que du vainqueur. Voilà plus de deux ans qu'il n'avait pas levé les bras et même trois si l'on s'en tient au World Tour.

On se pose désormais pas mal de questions autour de Romain Bardet : jusqu'où peut-il conserver son maillot jaune ? Où classer cette victoire dans la courte liste de ses succès ? Libéré, en claquera-t-il une autre d'ici Nice ?

Jonas Vingegaard est-il vraiment un leader des Visma | Lease a Bike ? On exagère évidemment mais il n'a été attendu par personne quand il a connu un ennui mécanique sur cette première étape. C'est assez rare pour être souligné.

Combien de coureurs ont souffert de la chaleur ce samedi sur la 1re étape ? C'était évident pour certains, Mark Cavendish, Oier Lazkano ou Michele Gazzoli, mais cette journée inaugurale va laisser des traces chez beaucoup.

Ce dimanche, pour la 2e étape, le Tour de France s'élancera de Cesenatico, la ville de naissance de Marco Pantani. Icône du Tour, il avait réalisé le doublé avec le Giro en 1998. C'est sur la Grande Boucle qu'il avait décroché le dernier succès de sa carrière, sur la 15e étape en 2000.

Où le Pirate avait-il levé les bras trois jours après sa victoire au sommet du Mont Ventoux ?