Tour de France 2024 : Jonas Vingegaard, la tentation ou l'ambition ?

Jouer sur les mots est toujours un art subtil. Lire entre les lignes aussi. L'équipe Visma-Lease a bike a donc annoncé jeudi, à neuf jours du grand départ de Florence, que Jonas Vingeggared, double tenant du titre, participerait bien à cette édition 2024.

Ce voile étant désormais levé et ce fait acquis, il est difficile de ne pas se poser une question : pour quoi vient-il ? Pour quoi, et non pourquoi. Pourquoi ? Parce que le Tour étant ce qu'il est, cet absolu, cette ambition incontournable pour qui l'a gagné, a fortiori plutôt deux fois qu'une, il est bien compréhensible que Vingegaard, en dépit du contexte très difficile pour lui depuis sa grave chute au Tour du Pays basque début avril, veuille être présent. Cette réponse-là est évidente. La tentation était forte et légitime.

Mais quid de l'ambition ? Pour quoi ? Pour faire quoi. Depuis sa chute, qui, rappelons-le, l'aura éloigné de toute compétition pendant près de trois mois lorsque le Tour 2024 s'élancera, le Danois et son équipe ont toujours envoyé le même message : l'ami Jonas ne disputera la Grande boucle que s'il peut s'y exprimer pleinement. De passage sur le Giro au mois de mai, Richard Plugge, le patron de Visma, avait ainsi résumé la situation : "Jonas progresse vraiment bien mais il ne participera au Tour que s'il est à 100%".

Puisque sa participation est désormais confirmée, doit-on en déduire que le double tenant du titre est vraiment à 100 % ? Sans doute pas. On imagine mal qu'un coureur à ce point à court de compétition, qui a été victime d'une blessure aussi sérieuse, ou plutôt de blessures aussi sérieuses (fractures de la clavicule, de plusieurs côtes, un pneumothorax, une contusion pulmonaire, et 12 jours d'hospitalisation au total...) soit tout à fait à son meilleur niveau, donc à 100%. Si le Vingegaard 2024, compte tenu des circonstances, surpasse ou même égale le Vingegaard 2022 et 2023, ce sera à n'y plus rien comprendre.

C'est là qu'il faut prêter attention aux mots. Merijn Zeeman, le directeur sportif et pion essentiel de la réussite de la formation néerlandaise ces dernières années, a expliqué ces derniers jours que l'objectif pour Vingegaard était "d'être compétitif" plus que de "lutter pour le maillot jaune."

On imagine mal le Scandinave prendre la peine de venir à Florence s'il ne se sent pas apte à être compétitif, même s'il reste à définir ce que l'on met derrière ce mot. Lui seul a la réponse, ou plutôt lui seul l'aura, car à ce jour, il est probable qu'il avance un peu dans le flou. Mais sans doute a-t-il été suffisamment rassuré par ses sensations ces deux dernières semaines, quand il a mis les bouchées doubles à l'entraînement.

Finalement, il est un peu dans la situation qui était celle de Tadej Pogacar il y a un an. La roue a tourné et c'est lui, cette fois, qui aborde la course la plus importante de l'année avec des doutes et des incertitudes. Mais il ne voulait pas renoncer sans se battre. C'est tout à son honneur et c'est, encore une fois, très compréhensible. Est-ce que cela suffira ? On peut, a minima, se le demander.

L'ambition de Jonas Vingegaard et surtout sa capacité à s'y tenir relève encore de l'interrogation. Mais la tentation était trop forte pour renoncer. Parce qu'il est physiquement apte et rétabli. Parce qu'il domine le Tour depuis deux ans et qu'abandonner sa place aurait été une douleur trop forte. "Il sera là, en bonne santé et motivé", promet Zeeman. Personne ne doute de ces deux points. Mais sera-t-il encore le plus fort ?