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Tour de France 2024 | Budgets, salaires... "C'est comme le PSG" : Le cyclisme est-il en danger ?

Christophe Gaudot

Mis à jour 29/06/2024 à 10:30 GMT+2

Avec Tadej Pogacar mais aussi Adam Yates, Joao Almeida, Juan Ayuso et d'autres, la composition de l'équipe UAE-Emirates pour le Tour de France a rappelé à quel point certaines équipes, se comptant sur les doigts d'une main, dominent la planète cyclisme financièrement… et donc sportivement. Un état de fait qui inquiète des adversaires qui voient l'écart de budget se creuser.

Fritsch : "Si je devais miser sur Evenepoel ou Roglic pour gagner le Tour…"

"Pour jouer un rôle pour la victoire finale sur un grand tour, c'est au-dessus de 35 millions d'euros de budget. Entre 18 et 35, on peut espérer jouer la gagne sur les Monuments de temps en temps et un top 10 sur les grands tours." Investisseurs, Jean-François Bourlart, patron de la formation Intermarché-Wanty, vous a tracé le chemin. Ces 35 millions d'euros, ils ne seraient que quatre à les approcher pour la saison 2024 : UAE-Emirates, Visma | Lease a Bike, INEOS Grenadiers et BORA-Hansgrohe avec l'apport de Red Bull. Et pour les autres ? Des miettes à 15, 20, 25 ou 30 millions.
L'argent va-t-il tuer le vélo ?
Quelles équipes ont remporté un grand tour depuis 2020 ? Visma (7), UAE (3), INEOS (2), Soudal et BORA (1). Et qui a triomphé des plus grandes courses à étapes 2024 ? Les mêmes, évidemment. "C'est comme dans le football : oui, on peut acheter le succès avec de l'argent !, s'enflamme notre consultant Jens Voigt. Si on regarde les résultats des deux dernières saisons, les UAE, Visma, INEOS, BORA et Lidl-Trek ont remporté 80% des courses. Il y a un problème."

Inquiétude dans le peloton

L'Allemand aurait pu étendre sa réflexion au-delà de 2023 et 2024 puisque le quintet d'équipes truste la quasi-totalité des courses par étapes depuis 2020 et le Covid. "Ce n'est pas que ça pourrait nous inquiéter, c'est que ça nous inquiète", tranche Cédric Vasseur, manager de la Cofidis.
"Des équipes de haut niveau prennent de plus en plus de puissance et quand on voit les compositions au départ, ce ne sont que des garçons qui pourraient être leaders dans d'autres équipes. C'est vrai pour UAE évidemment mais aussi Visma, INEOS, et BORA", appuie Vincent Lavenu, son homologue de chez Decathlon-AG2R La Mondiale qui réussit un petit exploit en se plaçant au 3e rang mondial en 2024.
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Un cadeau pour un record : Pogacar a reçu un maillot blanc unique

Mais son équipe ne se porterait-elle pas encore mieux avec Juan Ayuso, Adam Yates ou Joao Almeida, trois vainqueurs potentiels de grands tours qui travailleront pour Tadej Pogacar ces trois prochaines semaines ? Un Matteo Jorgenson, plan B de luxe de la Visma ? Tom Pidcock, Egan Bernal ou Geraint Thomas, tous prêts à pallier une défaillance de Carlos Rodriguez chez INEOS ? Jai Hindley ou Aleksandr Vlasov, aide de camp de Primoz Roglic et BORA ?

Salary cap, budget cap ? L'UCI réfléchit

"Trois, quatre ou cinq équipes peuvent sortir des sommes conséquentes. Donc, 30 coureurs par équipe fois 4, les 120 meilleurs en général se retrouvent dans les mêmes équipes", exagère à dessein Thierry Maréchal, directeur sportif pour Cofidis. Une situation que Stéphane Heulot, le patron de Lotto-Dstny résume : "C'est comme en football avec le PSG". Mais à terme, tout ceci ne risque-t-il pas de nuire à l'état général d'un cyclisme à l'économie toujours bancale comme l'a prouvé la fusion finalement avortée entre deux mastodontes, Soudal et Visma, ou la disparition de certaines équipes, incapables de suivre le rythme ?
Pour lutter contre la course au toujours plus et surtout aux écarts qui se créent dangereusement, l'Union cycliste internationale aimerait imaginer un "budget cap" ou un "salary cap" qui se ressembleraient peu ou prou puisqu'aujourd'hui la masse salariale pèse à 80% sur les budgets des équipes. Un doux rêve dans un monde ouvert où l'UCI organise les compétitions, mais pas toutes, et où surtout un coureur peut être un salarié, et donc payer des cotisations, ou un travailleur indépendant. Ce qui avait beaucoup aidé les coureurs français pendant le Covid joue plutôt en leur défaveur, sportivement parlant, le reste du temps.

Former, prier et laisser partir aux plus offrants

Reste que cette idée trouve plutôt des soutiens parmi nos interlocuteurs dans le peloton. Chez les patrons d'équipe, on pense à ses partenaires, à ses coureurs mais aussi au public qui pourrait se lasser de voir toujours les mêmes se battre et gagner, même si l'exemple de la Ligue des champions de football, prouve que celui-ci sait, malheureusement ou heureusement, y trouver son compte. Les équipes du dernier tiers du World Tour sont contraintes de faire de la formation, prier de tomber sur la pépite puis la conserver assez longtemps avant de la voir inexorablement céder aux sirènes de salaires intouchables.
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De Florence à Nice : le parcours complet du Tour de France 2024

"C'est vrai que se faire dépouiller, c'est toujours un petit peu dommage, regrette Heulot. Mais ça fait partie du business". Lui a réussi à prolonger sa classe biberon, les Arnaud De Lie, Maxim Van Gils ou Lennert Van Eetvelt tout comme Biniam Girmay qui restera jusqu'en 2026 chez Intermarché-Wanty.
A l'inverse, Lenny Martinez et Romain Grégoire pourraient quitter Groupama-FDJ à l'issue de leur deuxième saison chez les professionnels, confirmant que les écarts vont continuer à se creuser dans le World Tour qui sera bientôt coupé entre plusieurs "divisions" qui s'affronteront sans l'ivresse de l'incertitude. Ce n'est pas un hasard si dans son plan pour remporter un grand tour en 2028, Decathlon-AG2R mise plutôt sur un gamin du cru - Paul Seixas à tout hasard peut-être -, plutôt que sur une recrue très (trop) onéreuse.
Il y aura toujours des solutions que pour ces gens-là ne respectent pas les règles
"Quelqu'un qui peut gagner une Vuelta ou un Giro dans une autre équipe, qui peut gagner 2,5 millions d'euros, ça ne doit pas être un problème de le payer 3,5 ou 4", rappelle Jean-François Bourlart pour singer la stratégie des UAE dont le budget semble de plus en plus illimité. Hier, investir sur Adam Yates, Jai Hindley ou Joao Almeida comportait sa part de risques, aujourd'hui cela devient impossible pour les trois quarts des équipes World Tour. Le salary cap serait-il la solution miracle ? Stéphane Heulot en doute.
"Oui, dans l'idéal, je trouverais ça fantastique mais pour moi, c'est une perte de temps et d'énergie. Je connais quand même certaines personnes et il y aura toujours des solutions pour que ces gens-là ne respectent pas les règles. Je peux le revendiquer, je peux en avoir envie, dans le meilleur des mondes…" Le cyclisme n'est pas ce monde-là et il faudra s'habituer en 2024 plus que jamais à voir quatre équipes représenter 80% du groupe des leaders sur une étape de montagne du Tour de France.
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