Chris Froome : "Pogacar, Vingegaard, Evenepoel ? J'aurais adoré me battre avec eux dans mes meilleures années"

Il est quasiment utopique de le revoir dans des grandes escapades en solitaire comme lors de ses plus belles années. Ses quelques sorties dans la presse sont pourtant toujours aussi plaisantes. Absent depuis son abandon sur Tirreno-Adriatico en mars dernier, Chris Froome continue sa remise en forme en vue des échéances de fin de printemps et l'été. Avec le Tour de France, notamment.

Autrefois star à l'avant, le quadruple vainqueur de la Grande Boucle peine aujourd'hui à l'arrière de la course. Mais le plus important est ailleurs pour le coureur de 38 ans qui a parcouru un sacré chemin depuis son crash sur le Critérium du Dauphiné en 2019. Présent à la Bike Expo de Varsovie ces derniers jours, le coureur d'Israel-Premier Tech a accepté, pour Eurosport, de revenir sur ses dernières saisons, sa reconstruction, mais aussi le niveau colossal de la nouvelle génération. Car le cyclisme a bien changé pour "Froomey".

Considéré comme l'un des meilleurs coureurs de sa génération, Chris Froome a vu sa carrière stoppée nette lors d'une reconnaissance sur les routes du Dauphiné en 2019. Ses rêves de cinquième Tour de France envolés par la même occasion. "Cela a définitivement mis un terme à mes grandes journées sur un Grand Tour. Ça a été très difficile de revenir à un niveau compétitif."

Pour le principal intéressé, ce drame a tout changé. "Il m'a fallu des mois, voire une année complète, pour essayer de m’en remettre. Rien que pour réapprendre à marcher, normalement sans boiter, il m’a fallu plus d’un an."

"A ce moment-là, je sentais que j'étais tellement occupé à passer d'un objectif à un autre puis encore un autre… Un événement comme ça vous oblige à vraiment prendre du recul pour voir la situation dans son ensemble, ça m'a permis de passer plus de temps avec ma jeune famille", se remémore-t-il. On ne retrouvera plus le grand Chris Froome. Mais le champion se montre "reconnaissant d'avoir une autre chance."

A l'heure où le cyclisme mondial "subit" la surdomination de quatre ou cinq fantastiques, de Mathieu van der Poel à Tadej Pogacar en passant par Jonas Vingegaard, Remco Evenepoel ou encore Wout van Aert quand il est en selle, Chris Froome est presque nostalgique de ne pas pouvoir se battre. "Ça aurait été vraiment intéressant de courir contre eux dans mes meilleures années."

Arrivé dans la forme de sa carrière à partir de ses vingt-huit ans, l'ancien protégé de Sir Dave Brailsford appuie la thèse selon laquelle la jeunesse est en train de prendre le pouvoir. "Le cyclisme 'se rajeunit', c'est un fait. Les gars arrivent à un niveau beaucoup plus élevé dès leur plus jeune âge. Je pense qu'il y a des enfants de 12 ou 13 ans qui s'entraînent presque comme des professionnels. Ils sont déjà prêts à remporter les plus grandes courses du monde la vingtaine à peine entamée, début de la vingtaine."

Alors que nombre de suiveurs parlent d'un âge d'or du cyclisme, le quadruple vainqueur de la Grande Boucle préfère parler de "vagues". Les comparaisons avec Eddy Merckx sortent souvent du placard pour évoquer les cinq fantastiques. Chris Froome est beaucoup plus prudent. "Je pense que c'est rare ou un cas exceptionnel de revoir un coureur vraiment dominer comme Eddy Merckx le faisait à son époque." Mais un phénomène trouve grâce aux yeux du Britannique. "C'est très dur de performer sur tous les terrains. C'est là où Tadej Pogacar m'impressionne… Il est capable de gagner des classiques d'un jour comme les Flandres ou les Strade Bianche et aussi de se battre sur les Grands Tours…"

Conscient qu'il ne pourra plus jouer avec les ogres, l'ancienne star de la Sky veut avant tout s'amuser. "Je suis toujours passionné par le vélo et j'y prends toujours beaucoup de plaisir." Avant d'adresser un conseil à la nouvelle génération. "Il ne s'agit pas seulement de gagner, c'est un message important pour beaucoup de jeunes qui se lancent dans ce sport."

Le natif de Nairobi revient de loin et il est conscient de tout le chemin parcouru depuis. "Après l'accident, j'étais à un niveau tellement bas… J'ai dû réapprendre à marcher, mais je suis quand même redevenu un sportif professionnel dans un sport comme le cyclisme où le niveau est si élevé". Malchanceux depuis son retour, il a encore de belles motivations : "Participer aux plus grandes courses du monde et pouvoir également donner l'exemple à mes enfants en leur montrant que je n'abandonne pas mon rêve."

Sans victoire depuis 2018, le septuple vainqueur de grands tours a toujours des rêves. Mais il demeure réaliste. "Pour moi, un cinquième Tour de France, c'est toujours comme un rêve. Mais je me suis fait une raison que revenir à un niveau pour lutter va être très, très difficile. Si je me bats dans les montagnes pour une nouvelle victoire d'étape, ce serait déjà incroyable…" Chris Froome n'a plus rien à prouver. Le revoir lever les bras avant son crépuscule serait tout de même une sacrée histoire pour nourrir un peu plus sa légende.