Les plus populaires
Tous les sports
Voir tout

Grand-Bornand | Julia Simon, un nouveau coach pour déclic ? Découvrez la méthode de Cyril Burdet

Julien Chesnais

Mis à jour 16/12/2022 à 13:19 GMT+1

COUPE DU MONDE - Au printemps, Cyril Burdet a succédé à Frédéric Jean, qui a arrêté pour raison familiale, à la tête de l’équipe de France féminine. Loin de vouloir “révolutionner les choses”, le Savoyard évoque dans cet entretien les “petites touches” qu’il tente d’apporter aux Bleues - dont Julia Simon, dossard jaune - fort de son vécu d’ancien entraîneur des sprinteurs en ski de fond.

Simon : "Avec Fred Jean, au bout de huit ans, il y avait une sorte de routine"

Un dossard jaune, trois podiums dont deux victoires pour Julia Simon puis le succès en relais ce dimanche. Ce bilan avant le Grand-Bornand va-t-il au-delà de vos espérances ?
Cyril Burdet : Non pas spécialement, car l’équipe était déjà très performante. Il n’y avait donc pas de limite à se fixer en ce début de saison. Je suis super satisfait de cette entame. Julia se révèle au plus haut niveau. Le groupe est homogène et performant (cinq Françaises dans le top 25 mondial). C’est donc plutôt une grande satisfaction.
De l’extérieur, on pouvait s’attendre à une entame plus timide, à l'aune des changements intervenus à l’intersaison. Anaïs Bescond est partie à la retraite. Justine Braisaz-Bouchet fait un break car enceinte... mais, finalement, les nouvelles Lou Jeanmonnot (2e U25 au général, derrière Elvira Oeberg) et Sophie Chauveau (19e de la poursuite de Kontiolahti) se sont vite adaptées, et Caroline Colombo semble avoir passé un gros cap (20e au général). D’où notre impression que ce groupe "performe" un peu plus vite que prévu...
C. B. : Oui, c’est aussi l’une des forces du biathlon français, d’arriver à entretenir une équipe consistante. Effectivement, il y a l’apport de Lou (Jeanmonnot), l’apport de Caroline (Colombo), qui aujourd’hui arrive à une forme de maturité. Chloé (Chevalier, 24e au général) s’affirme comme une athlète de haut niveau en Coupe du monde. Et on a deux leaders, Anaïs (Chevalier-Bouchet) et Julia (Simon), qui jouent réellement leur rôle de transmission pour les plus jeunes. C’est pour ça que je ne suis pas forcément surpris ! Je l’ai vécu comme ça au cours de la préparation.
Vous aviez donc observé des signaux qui allaient dans le sens des résultats de Kontiolahti et Hochfilzen.
C. B. : Oui. Après bien sûr, je n’imaginais pas voir une Julia en jaune tout de suite. C’est effectivement agréablement surprenant. Mais par contre, de voir ce groupe capable de rivaliser, je ne suis pas surpris.
picture

Simon dans le vent et relais en or : revivez la victoire des Bleues

Concernant le relais victorieux de dimanche, la réussite au tir a été la clé, avec seulement 4 pioches, soit 3 de moins qu’à Kontiolahti. Mais ce qui est le plus marquant, de manière globale, c’est le niveau collectif physique. Au sprint de Hochfilzen, on trouvait 4 Françaises dans le top 11 des temps de ski, et les 5e et 6e étaient dans le coup aussi (14e et 24e). C’est du rarement vu, voire du jamais vu, chez les Françaises.
C. B. : Eh bien, je suis content de l’entendre ! Pour construire les choses, on a beaucoup travaillé sur l’émulation, de l'entraînement à haute intensité en confrontation pour travailler à la fois le physique mais aussi le tir de confrontation. C’est plutôt satisfaisant de voir que ça porte ses fruits dès maintenant. Il y a encore plein de petits points à améliorer chez la plupart, beaucoup ont encore une belle marge de progression sur le secteur du ski.
Mais comme vous l’avez dit, dimanche, c’était vraiment sur le tir qu’il fallait arriver à stabiliser (sic), à être efficace. Et elles ont réussi à le faire. C’est une vraie satisfaction car c’était un des objectifs qu’on s’était fixés avec Paulo (Jean-Paul Giachino, l’entraîneur du tir). On avait vu sur Kontio (4e du relais) que c’était faisable, mais on a fait quelques petites erreurs. On voulait voir si cette équipe était capable d’apprendre rapidement de ses erreurs. Et vraisemblablement, elles l’ont fait une semaine.
Je ne crois pas aux révolutions
Vous avez pris vos nouvelles fonctions au printemps, après huit ans passés auprès des sprinteurs de l’équipe de France de ski de fond. Quelle a été votre approche pour la préparation estivale, comparée à celle de Frédéric Jean ?
C. B. : D’abord, je ne pense pas avoir révolutionné les choses. L’idée, c’était de partir des bases qu’elles avaient, des fondations très bonnes, construites par Fred (Jean) durant toutes ces années. L’idée était d’apporter des petites touches, notamment sur un plan technique pour certaines athlètes. Il y avait, me semble-t-il, quelques lacunes qui pouvaient les empêcher de s’exprimer pleinement. Cela les contraignait soit à dépenser de l’énergie inutilement, soit à ne pas être totalement efficace. Par exemple, Caroline Colombo a compris pas mal de choses sur ce versant-là.
C'est-à-dire ?
C. B. : Sur sa technique du 1 temps (une poussée de jambe à chaque poussée de bras, ndlr), elle avait tendance à confondre vitesse et précipitation, à imaginer qu’aller vite impliquait forcément de faire plus de gestes. Alors qu’en réalité, aller vite c’est simplement être plus efficace. Aujourd’hui, de ses dires, elle va plus vite en étant plus économe. C’est un double gain. Il y a un autre versant, qui est le côté stratégique, la gestion des zones d’effort sur la piste. Savoir où mettre les temps forts, où mettre les temps faibles, la lecture des trajectoires, l’utilisation du terrain, la stratégie et gestion de course selon la distance.
Ce sont des choses qu’on a essayé de mettre en place. Et là, pour le coup, avec Vincent (Vittoz, l’entraîneur des hommes), on a un staff étoffé avec l’apport de Louis Deschamps, qui travaille sur les datas. On a encore des progrès à faire dans ce domaine, mais beaucoup de filles ont déjà considérablement fait évoluer leur manière de courir. Je pense à Anaïs, sur qui on a essayé de travailler pour construire des derniers tours plus consistants. On voit qu’elle arrive déjà à faire des derniers tours solides.
picture

Chevalier-Bouchet, objectif derniers tours de feu : "J’ai déjà fait trop de cadeaux"

A l'entraînement, vous filmez vos athlètes avec votre téléphone, sur les skis, en mode travelling.
C. B. : L’idée est d’apporter un feedback extérieur à l’athlète pour lui permettre de comparer ses sensations avec ce qu’il fait. Avec les outils d’aujourd’hui, on peut faire ça en temps réel. Ça permet de jouer sur des sensations fines et de faire évoluer le mouvement de manière assez intéressante.
Cela implique aussi pour vous de garder une condition physique suffisamment importante !
C. B. : Effectivement, faut être capable de suivre un minimum ! Mais j’ai des collègues qui en font bien plus que moi !
Quand s’est arrêtée votre carrière de sportif ?
C. B. : Je ne sais pas si on peut parler de carrière ! J’ai fait deux ans en équipe de France juniors en 1997 et 1998, mais pas de coupe du monde.
picture

La palette - Alignement, respiration, trépied : le tir couché décortiqué

Et ensuite ?
C. B. : Après mon parcours de biathlète, je me suis lancée dans les études. J’ai fait un doctorat en STAPS, en neurophysiologie. C’est là où j’ai mis le pied à l’étrier de l'entraînement. J’ai coaché des triathlètes, en course à pied au club de Chambéry. A l’issue de mes études, j’ai passé le concours de professorat de sport et me suis retrouvé pendant 9 ans à différents postes d'entraîneur sur le comité de Savoie de ski de fond, et sur la coordination ski de fond - biathlon. Puis j’ai basculé après les JO de Sotchi (2014) sur mon poste en équipe de France en ski de fond.
Et à votre arrivée ce printemps en équipe de France de biathlon, a-t-il fallu vous adapter plus que vous ne l’attendiez ?
C. B. : Finalement, non, je trouve que les choses se sont passées de manière assez naturelle. Il y a forcément eu un temps d’adaptation, un temps d’écoute mutuelle pour comprendre le projet de chacune, le projet collectif, sa manière de fonctionner, "l’environnement staff" aussi, même si je retrouve Vincent Vittoz, avec qui j’ai longtemps travaillé dans le ski de fond. Il fallait forcément prendre ses marques avant de prendre réellement les choses en main. Mais j’ai trouvé que la mayonnaise avait pris assez vite avec les filles. A partir de l’été, c’était très fluide.
Quels conseils vous a donnés Vincent Vittoz, lui aussi passé par là, du ski de fond au biathlon ?
C. B. : Comme il l’avait fait quand je suis arrivé en ski de fond, où il a été un peu mon mentor, Vincent m’a beaucoup aidé sur le mode de fonctionnement de l’équipe, l’organisation ou la logistique. Mais aussi sur la prise en compte de la charge mentale et du poids du tir dans la préparation. Ça m’a quand même pris du temps, car seule l’expérience permet de réellement comprendre ça.
picture

Le 5/5 pour conclure : comment Simon s'est envolée vers la victoire sur la poursuite

Pour revenir sur Julia Simon, sur quoi avez-vous insisté particulièrement ?
C. B. : Julia a déjà une technique très aboutie. L’enjeu était un peu plus fin, autour de l’économie de course, trouver des séquences de relâchement un peu plus importantes. Elle skie comme son caractère, beaucoup à l’offensive ! Parfois, elle pourrait peut-être garder un peu d’énergie. Mais le véritable axe de travail, c’est sa tendance à vouloir passer en 2 temps (deux mouvements de jambe par mouvement de bras, l’équivalent du petit braquet en cyclisme, ndlr), c’est à dire qu’elle déclenche son pas de montée plus tôt par rapport à ses adversaires, ce qui peut lui coûter plus cher en terme d’énergie. On a donc essayé de gagner en puissance musculaire et en spécifique pour qu’elle emmène son 1 temps un peu plus haut.
C’est fin, bien sûr, ce ne sont pas des changements profonds. Mais ça lui permet d’avoir des temps de relâchement plus importants et peut-être de gagner ce petit supplément de lucidité qui lui permet de faire les tirs qu’elle est capable de faire aujourd’hui (95% de réussite actuellement - contre 81 la saison passée - et 100% au couché, ndlr).
Et vous voyez qu’elle le tient plus longtemps, ce 1 temps ?
C. B. : Oui, elle monte déjà plus haut. Mais elle a encore de la marge de manœuvre là-dessus, on le sent. Il y a des choses qui ne changent pas du jour au lendemain. Il faut du temps, de la répétition. Mais bon, elle ne s’en sort pas si mal comme ça !
picture

Comment Simon a changé : "C'est le fruit d'un travail acharné depuis deux ans"

Julia arrive à un moment clé de sa carrière
Peut-on dire que c’est enfin l’heure de la maturité pour Julia Simon ?
C. B. : Oui. De toute manière, c’est le propre d’un athlète de haut niveau, il y a un cursus nécessaire, une phase de construction, d’apprentissage, puis les choses deviennent naturelles à un moment donné. On le voit chez Sophie (Chauveau), chez Lou (Jeanmonnot), les plus jeunes apprennent vite mais il faut aussi passer par l’expérience de l'échec pour se rendre compte de toutes les choses qu’il reste à travailler. Julia (Simon) est passée par là. Elle a connu beaucoup d’échecs et aussi des réussites. Et là, elle arrive sans doute à un moment clé de sa carrière.
Tout est en phase. Elle a du vécu, de l’expérience, elle est en confiance. Elle a compris beaucoup de choses avec Paulo (Jean-Paul Giachino) sur le tir, et notamment sur le couché, qui lui donnent une forme de sérénité qu’elle n’avait sans doute pas avant. Ça lui permet aujourd’hui de s’exprimer à 100% dans son biathlon. Et pourvu que ça dure ! Maintenant, la difficulté à laquelle il va falloir faire face, c’est de rester sereine et ne pas tomber dans la facilité. Ça sera l’enjeu cette semaine au Grand-Bornand (avec un sprint pour débuter, ce vendredi à 14h15, ndlr).
Porter le dossard jaune devant le public français, ce sera forcément particulier.
C. B. : Exactement. Ça va être une nouvelle étape pour voir l’étendue de son caractère !
En tout cas, lors de sa première en jaune, ça n’a pas semblé être un poids pour elle.
C. B. : Non, mais ça a été quand même un petit moment de tension, ce qui est assez logique. Mais elle s’en est sortie avec brio. Avant la course, on discutait, je lui ai posé la question, pour savoir son état d’esprit, si le maillot était lourd ou pas. Et forcément, il y avait un truc supplémentaire. Mais au final, c’était surtout de l’honneur, de la responsabilité, de porter ce maillot. Et elle a su en tirer une énergie positive plus qu’un poids.
picture

Simon rayonne, la patronne c'est bien elle ! Les temps forts de la poursuite en vidéo

Rejoignez Plus de 3M d'utilisateurs sur l'app
Restez connecté aux dernières infos, résultats et suivez le sport en direct
Télécharger
Partager cet article
Publicité
Publicité