France - Afrique du Sud | On en a fait des caisses sur Antoine Dupont, à lui de rappeler pourquoi

Marseille, 1h du matin, dans la nuit du 21 au 22 septembre. Le XV de France vient de décrocher le plus large succès de son histoire en Coupe du monde, en corrigeant la Namibie 96-0, mais personne n'en a cure, ou presque. Les esprits sont tournés vers Antoine Dupont, blessé au visage et examiné dans un hôpital, à quelques kilomètres de là. C'est le début d'un feuilleton dont l'ampleur témoigne de l'aura du capitaine des Bleus. On la soupçonnait immense, on l'a découverte incommensurable.

Pendant trois semaines, on a tantôt parlé d'Antoine Dupont, tantôt du meilleur joueur du monde, tantôt du n°9 de Toulouse, tantôt de "Toto". Toujours de lui, en fait. Les craintes ont laissé place à l’espoir, les photos de sa pommette abimée ont été éclipsées par des vidéos de chambrage à l'entraînement, le fantasme d'un masque futuriste s'est incliné devant le concret d’un casque classique, et nous voici à l'orée de ce qui ressemble pour lui, comme pour ses coéquipiers, au défi d’une vie.

Le tenant du titre sud-africain se présente sur la route du sacre planétaire derrière lequel la France court, sans succès, depuis la première édition de la Coupe du monde, en 1987. Même sans Dupont, les Bleus auraient bombé le torse… mais avec lui, on a d'autant plus tendance à croire que tous les rêves sont permis. Chaque membre de l'effectif à qui l'on a tendu un micro ces derniers jours l'a confirmé, avec des degrés divers d'émotion et d'intensité : Antoine Dupont est un atout unique.

Vendredi, Matthieu Jalibert a salivé devant les espaces qui pourraient s'ouvrir, autour du guide tricolore. On repense à son sauvetage qui a fait le tour du monde, face à l’Irlande lors du dernier Tournoi, à toutes les fois où ses coups de pied, ses raffuts ou ses passes nous ont laissés pantois, à ce pourquoi le tumulte provoqué par sa blessure a conservé une part de légitimité, malgré son caractère sans doute excessif qui a surpris jusqu'au principal l'intéressé, selon ce qui se murmure en coulisse.

On repense à tout cela et on sourit, en tant que fan de rugby, à quelques minutes d'un combat dont l'acuité promet de prendre aux tripes. Il n'est plus l'heure de parler des à-côtés. Dimanche au Stade de France, à partir de 21h, un quart de finale monumental nous attend et Antoine Dupont pourrait en être la clé. Il a su transformer 67 millions de sélectionneurs en 67 millions de chirurgiens spécialisés dans les fractures maxillo-zygomatiques. Il peut bien faire chavirer 80 000 personnes.